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Le Salvador : de la stratégie nationale de nutrition à la mise en œuvre locale

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Dáysi de Marquez est directeur général du Conseil national pour la sécurité alimentaire et la nutrition (CONASAN) et l’ancien point focal de Scaling Up Nutrition (SUN) pour le Salvador.

Francisca Gomez Cisterna est spécialiste en politique pour le Secrétariat du Mouvement SUN.

Cet article s’appuie sur les résultats d’interviews avec les parties prenantes menés au Salvador dans le cadre d’un examen approfondi du pays (« Deep Dive ») visant à soutenir l’examen à mi-parcours du Mouvement SUN. Le rapport final sera bientôt disponible sur le site web du Mouvement SUN.

Introduction

Le Salvador est le pays le plus petit et le plus peuplé d’Amérique centrale, avec une population de 6,4 millions d’habitants, à la frontière du Guatemala et du Honduras. Le pays connaît une faible croissance économique (2,3 %) et une dette publique élevée et croissante (70 % du produit intérieur brut ou PIB) : 29 % de la population vit encore dans la pauvreté (sur la base d’un seuil de pauvreté de 5,5 USD par personne et par jour)1.

En termes de développement, le pays progresse vers la consolidation de la démocratie et de la paix depuis la fin de la guerre civile en 1992 et vers l’amélioration des résultats en matière de développement humain, principalement par l’élargissement de l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Cependant, la pauvreté et les inégalités, associées à des niveaux de violence extrêmement élevés et à l’insécurité qui en découle (le Salvador a l’un des taux de meurtre les plus élevés au monde) poussent encore des milliers de personnes à quitter le pays chaque année. Les sécheresses récurrentes, qui s’aggravent au fil du temps, limitent également le développement et ont eu des conséquences désastreuses sur la production de base de maïs et de haricots des petits exploitants agricoles.

Augmentation de la surcharge pondérale et de l’obésité

Au cours de la dernière décennie, le Salvador n’a pas cessé de progresser en matière de réduction de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, la prévalence du retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans (EM5) étant passée de 19 % à 14 % entre 2008 et 20142. Bien que la prévalence de l’émaciation chez les enfants de moins de cinq ans reste faible (2 %), on observe une augmentation de la surcharge pondérale chez les enfants de moins de cinq ans (6 %)2. En outre, la population adulte est confrontée à un problème de malnutrition : 23 % des femmes en âge de procréer souffrent d’anémie et 29 % des femmes et 19 % des hommes sont obèses, ce qui entraîne une augmentation des maladies chroniques non transmissibles liées à la nutrition, comme le diabète2. En 2017, le coût du double fardeau de la malnutrition était estimé à 2,5 milliards de dollars, soit l’équivalent de 10 % du PIB3.

Le Salvador et le Mouvement SUN

Le pays a rejoint le Mouvement SUN en septembre 2012 avec une lettre d’engagement du ministère de la Santé et du directeur du Conseil national pour la sécurité alimentaire et la nutrition (CONASAN). Le Conseil a progressivement acquis des pouvoirs de convocation auprès des différentes institutions gouvernementales et des acteurs non gouvernementaux (agences des Nations unies, bailleurs de fonds et organisations de la société civile). En 2014, le gouvernement alors nouvellement élu a ratifié et approuvé la politique et le plan stratégique de sécurité alimentaire et de nutrition, renforçant ainsi le CONASAN et son bras technique, le Comité technique pour la sécurité alimentaire et la nutrition, afin de superviser la mise en œuvre de la politique et l’opérationnalisation du plan stratégique au cours de la période 2014-2019.

Donner la priorité aux municipalités ayant un double fardeau élevé

Le pays a fait des progrès significatifs dans la réduction des retards de croissance, grâce à sa politique relative à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Toutefois, le recensement national de 2016 sur le poids et la taille des élèves de l’école élémentaire (âgés de 6 à 9 ans) a révélé que 31 % des enfants dans cette tranche d’âge étaient obèses ou en surcharge pondérale (l’obésité était de 14 % et le surpoids de 17 %) et que 9 % souffraient d’un retard de croissance. Les résultats du recensement ont été cruciaux pour l’élaboration des programmes et des interventions, car les municipalités présentant un double fardeau élevé ont eu droit à un traitement prioritaire, avec une mise en œuvre après 2017. L’extension de la stratégie et du modèle de mise en œuvre a été remaniée depuis lors, en tenant compte des nouvelles données sur le retard de croissance, l’obésité et la surcharge pondérale pour chaque municipalité.

Le CONASAN a commencé à mettre en œuvre le plan stratégique national (2013-2016) au niveau départemental. L’objectif était de développer des plateformes multisectorielles et multipartites aux niveaux gouvernementaux infranationaux (départementaux et municipaux) pour l’exécution des plans infranationaux en reproduisant le modèle national.

Mise en œuvre au niveau infranational

En 2014, le CONASAN a lancé le premier conseil départemental de nutrition (CODESAN) et cinq conseils municipaux de nutrition (COMUSAN) dans les zones à forte prévalence de retard de croissance chez les enfants d’âge scolaire.

Le CODESAN, un exemple de collaboration multisectorielle et multipartite, est formé par le gouverneur local et les parties prenantes des unités de services de santé de base, des ministères de l’Agriculture et de l’Éducation, d’autres institutions gouvernementales, de l’Institut de développement des femmes, des organisations non gouvernementales (ONG) locales, de l’église et des associations d’agriculteurs. Les principales fonctions du conseil consistent à concevoir et à mettre en œuvre un plan nutritionnel chiffré basé sur une analyse de la situation, de sensibiliser les parties prenantes à l’importance de la nutrition, de mettre en œuvre le plan, de suivre et d’évaluer et enfin, de valider la liste des familles bénéficiaires pour les activités du programme. Un projet pilote pour le premier plan d’action multisectoriel municipal en matière de nutrition a été mis en œuvre dans le département de Chalatenango, et a ensuite été adapté sous forme de mesures spécifiques dans d’autres départements (voir figure 2). Depuis 2014, les CODESAN ont été déployés dans sept départements (représentant la moitié de tous les départements du pays). En fonction du département/de la municipalité et des résultats du recensement, on décide d’appliquer ou non des interventions à double fardeau.

De même, le COMUSAN est constitué de représentants de la mairie, du gouvernement central et des départements, d’acteurs communautaires, d’ONG locales, de l’église, d’associations de femmes et d’agriculteurs et de tous les acteurs de la mise en œuvre. Les activités des ONG en matière de nutrition dans le cadre du plan stratégique de sécurité alimentaire et nutritionnelle des départements et des municipalités doivent être consignées au niveau municipal et départemental. Des procédures de suivi et d’évaluation sont en place pour la consignation des interventions et des bénéficiaires en matière de nutrition, créant un registre unique pour tous les membres du ménage, quel que soit leur secteur. Le COMUSAN a utilisé ces données pour développer un système de cartographie aux fins de suivi des familles vulnérables à l’insécurité alimentaire ou nutritionnelle, en établissant un outil de suivi des consignations pour une utilisation plus efficace des ressources parmi les prestataires de services.

Facteurs clés de réussite et enseignements tirés

Les acteurs infranationaux ont constaté qu’un certain nombre de facteurs contribuaient au renforcement de la nutrition au niveau local, notamment le développement du COMUSAN et la conception d’un plan opérationnel comportant des interventions et un plan de suivi et d’évaluation clair ; la mise en œuvre d’un système local d’enregistrement et d’information ; et l’évaluation du coût de l’investissement nécessaire à son développement et à sa durabilité. Un mandat clair dépeignant un processus de planification participatif au niveau sous-national a facilité l’alignement des parties prenantes derrière un ensemble de résultats communs en responsabilisant ces dernières, avec le leadership national du point focal SUN. En outre, le partage des responsabilités entre les parties prenantes du gouvernement et des ONG, y compris les dirigeants locaux, a également permis de créer des mécanismes de responsabilisation et de maintenir les engagements lors des changements de gouvernement.

Parmi les leçons tirées de cette stratégie de mise en œuvre, on peut citer l’importance du pouvoir de rassemblement des membres du CONASAN tout au long du processus, ainsi que le soutien politique continu de l’exécutif national.

Les défis qui subsistent

Les défis pour l’avenir consistent à impliquer davantage les parties prenantes concernées, comme le secteur privé, en raison de l’absence de cadres juridiques qui imposeraient la participation ; à développer des mécanismes pour coordonner les secteurs à différents niveaux ; et à se procurer des ressources financières du niveau national au niveau local qui permettraient de renforcer les plateformes infranationales, ainsi que les unités techniques pour soutenir la mise en œuvre des plans locaux de nutrition.

Le développement de plateformes locales multisectorielles et multipartites pour la sécurité alimentaire et la nutrition en vue d’une mise en œuvre efficace, ainsi que la production de données nutritionnelles, de systèmes de suivi, de même que l’autonomisation et la sensibilisation des communautés, restent un investissement à long terme pour le pays et les communautés dans le besoin qui sont confrontées à de multiples formes de malnutrition au Salvador.


1 https://www.worldbank.org/en/country/elsalvador/overview

https://globalnutritionreport.org/resources/nutrition-profiles/latin-america-and-caribbean/central-america/el-salvador/#profile

https://www.wfp.org/publications/2017-cost-double-burden-malnutrition-social-and-economic-impact  https://es.wfp.org/publicaciones/el-costo-de-la-doble-carga-de-la-malnutricion-el-salvador

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