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Décentraliser la prise de décision basée sur les données au Kenya : Occasions et défis

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Edgar Okoth est le coordinateur de l’Alliance de la société civile pour le Mouvement SUN au Kenya, hébergée par Nutrition International, et un spécialiste de la nutrition et de la santé publique. Il soutient les gouvernements infranationaux en les aidant à renforcer les systèmes de santé et à tirer profit des données pour la prise de décision.

Murage Samuel Mahinda est le responsable des dossiers de santé et de la gestion de l’information au sein de la division de la nutrition du ministère de la Santé du Kenya. Il compte plus de 20 ans d’expérience à son actif dans la gestion de l’information dans le domaine de la santé, du niveau des établissements au niveau national en matière de suivi et d’évaluation.

Introduction

Depuis que le Kenya a délégué son autorité à ses 47 comtés en 2013, le pays a connu une sorte de révolution des données nutritionnelles en développant ses systèmes d’information. La relation entre l’amélioration de l’information d’une part, et la demande et l’utilisation des données d’autre part, est de plus en plus évidente, et on observe un intérêt croissant pour des données plus nombreuses et de meilleure qualité pour aider à la prise de décision au niveau des comtés. Le gouvernement national est chargé de formuler des politiques, de définir des normes et de fournir une assistance technique aux comtés, ainsi que des systèmes nationaux d’orientation et d’information sur la santé, mais les comtés sont chargés de créer la demande et de fournir les services. Cette responsabilité exige des données de qualité pour éclairer la prise de décisions en vue de bâtir des systèmes de santé et de nutrition efficaces et durables.

Possibilités offertes par un système de santé décentralisé

La dévolution a permis aux comtés de générer des données pour suivre de près les principaux indicateurs de santé et de nutrition et d’éclairer les plans de développement intégré au niveau des comtés, schéma directeur de leur développement.

Le gouvernement décentralisé offre également la possibilité d’améliorer la gouvernance non seulement au niveau sectoriel, mais aussi au niveau des communautés locales. C’est à ce niveau que des mécanismes de participation des citoyens, tels que des réunions organisées de chefs, le dialogue communautaire et des journées de mobilisation, sont déjà en place pour faciliter et renforcer la responsabilité commune en matière de santé et de nutrition. Des systèmes tels que le suivi de l’approvisionnement des utilisateurs finaux des programmes de nutrition implique de rendre compte de la disponibilité des produits nutritionnels et de la qualité des soins fournis. Les données fournies par les comtés concernant leur charge de morbidité permettent également à la Kenya Medical Supplies Authority (autorité kenyane des fournitures médicales) d’utiliser ces informations pour hiérarchiser les achats de médicaments pour un comté donné, en fonction des besoins réels et de sa capacité à utiliser ces approvisionnements1.

Renforcer la capacité de collecte de données au niveau des comtés

L’objectif principal de l’utilisation de données décentralisées est d’améliorer la responsabilisation technique et sociale2 des interventions en matière de santé et de nutrition en se concentrant sur le renforcement des capacités des comtés en matière de génération, de validation, d’analyse, de diffusion et d’utilisation des informations. Pour ce faire, cinq approches différentes sont utilisées : l’amélioration des systèmes de déclaration des établissements, la mise à l’échelle de la déclaration des naissances, des décès et des causes de décès, la mise à l’échelle du suivi des maladies et des interventions, la réalisation d’enquêtes de routine, telles que les enquêtes nutritionnelles SMART, et le renforcement des capacités de recherche en matière de santé.

Des systèmes de soutien ont été mis en place pour établir une architecture de données commune, connue sous le nom de « Kenya Health Information Systems » (systèmes d’information sur la santé du Kenya), dont les composantes sont le système de santé communautaire et le système d’information sur les produits de santé. Des groupes de travail techniques sur l’information nutritionnelle et des forums sur les données cliniques ont également été créés et améliorés au niveau national et au niveau des comtés, où les données et les statistiques sont validées et partagées. Pour améliorer les performances, des processus de suivi et d’examen sont exécutés tous les trimestres au niveau des comtés, et tous les mois au niveau des établissements de santé et des communautés. Ces processus impliquent généralement une supervision doublée de soutien, des contrôles des données et des audits trimestriels des données et de la qualité. Au niveau communautaire, des journées de dialogue communautaire et de promotion de routine donnent aux citoyens la possibilité de questionner les données. La radio communautaire est également utilisée pour diffuser les résultats et accroître l’engagement de la communauté dans le cadre d’une stratégie de santé communautaire.

Bénévole en santé communautaire donnant un exposé sur la santé lors d’une journée de dialogue communautaire

Accroître la demande et l’utilisation des données

La décentralisation de la prise de décision au niveau des comtés offre une occasion unique de faire pression pour que la demande de données et l’utilisation de celles-ci soient plus proches des points de prestation de services. Avec le soutien technique et financier de divers partenaires de développement, les 47 comtés ont tous suivi un processus en trois étapes pour contribuer à améliorer la qualité et l’appropriation des données. Les données proviennent de la communauté (via les informations sur la santé et la nutrition collectées par les bénévoles de santé communautaire au niveau des ménages) et des établissements de santé et sont introduites dans le système d’information sur la santé, où elles sont agrégées et analysées. Les données sont ensuite retransmises au niveau du comté, de l’établissement de santé et de la communauté aux fins de prise de mesures.

Appropriation par la communauté

L’utilisation des données pour prendre des décisions concernant le programme et l’implication des dirigeants du comté et de la communauté devraient permettre à cette dernière d’être mieux informée et plus impliquée dans la mise en œuvre de diverses activités, ce qui devrait conduire à une plus grande durabilité. Par exemple, les données de surveillance sont utilisées pour cartographier les « points chauds » de l’émaciation dans la communauté, ce qui permet de mettre en œuvre une approche intégrée comprenant un dépistage de masse supplémentaire des enfants vulnérables, l’extension du programme d’intégration de la prise en charge de la malnutrition aiguë (IPMA) au Kenya et le prépositionnement de produits nutritionnels pour la prise en charge des enfants souffrant d’émaciation. L’analyse des données de couverture de l’IPMA est également utilisée pour essayer de retrouver les cas d’abandon, ainsi que dans la mise en œuvre du modèle d’IPMA en cas de flambée des cas, afin d’augmenter les services lorsque les niveaux d’émaciation dépassent un seuil particulier dans les comtés particulièrement vulnérables, comme ceux des zones arides et semi-arides du Kenya qui sont sujets à la sécheresse.

Utiliser les données pour élaborer des plans chiffrés

Plusieurs partenaires de mise en œuvre ont contribué à renforcer les capacités des agents des comtés grâce à des programmes de formation, à la création de groupes de travail techniques sur la nutrition au niveau des comtés et des sous-comtés et à la mise en œuvre d’examens mensuels des données et de vérifications trimestrielles des données (dans les 47 comtés). Grâce au soutien de l’Alliance de la société civile pour le Mouvement SUN par l’intermédiaire du Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), de Nutrition International et du projet d’assistance technique à la nutrition (ATN), dix comtés ont jusqu’à présent élaboré des plans d’action chiffrés en matière de nutrition, en s’appuyant sur diverses sources de données (par exemple, audits de données de routine, réunions mensuelles des établissements de santé, dialogue communautaire et journées de promotion). Ces plans donnent la priorité aux services et aux activités et visent à assurer la mise en œuvre à grande échelle des principales interventions.

Relever les défis

Les comtés sont à des stades différents de la construction de leurs propres systèmes de données. La transmission de données en temps réel reste un défi, notamment aux niveaux de soins inférieurs (communauté, dispensaire et centres de santé), où l’électricité et la connectivité internet intermittentes rendent difficile la mise en place des infrastructures nécessaires. L’expertise et les capacités sont actuellement insuffisantes pour prendre des décisions entièrement fondées sur les données, avec un seul responsable des dossiers médicaux et de l’information en poste au niveau du comté. La collecte de données et d’informations sur la nutrition provenant de divers secteurs est également un défi, notamment en raison de la prolifération actuelle des systèmes de collecte de données et des systèmes parallèles (provenant des utilisateurs et des bailleurs de fonds, englobant les intérêts politiques aussi bien que commerciaux). Parmi les autres obstacles, on peut citer : la mauvaise qualité des données et l’absence de priorités dans leur utilisation ; les faibles niveaux de production de rapports et le manque d’outils de saisie des données dans les établissements de santé de certains comtés ; et la capacité insuffisante à traiter les données et à utiliser les informations.

Plans pour les prochaines étapes

Les 37 autres gouvernements de comtés s’efforcent de peaufiner le chiffrage du coût de leurs plans d’action pour la nutrition d’ici à la fin 2020, avec le soutien des partenaires de développement, afin de permettre la mise en œuvre complète des plans chiffrés. Le gouvernement national, par l’intermédiaire du Bureau national des statistiques du Kenya, a également engagé du personnel pour mettre en œuvre la plateforme nationale d’information sur la nutrition (NIPN)3 afin de soutenir l’analyse et l’utilisation des données pour améliorer la prise de décision. Enfin, le projet de dernière ligne droite du gouvernement vise à garantir que tous les établissements de santé aient accès à l’électricité pour permettre la transmission de données en temps réel d’ici 2022.


1 Auparavant, les comtés pouvaient être approvisionnés en médicaments pour des maladies et des affections qui n’étaient pas signalées dans leur région (par exemple, les médicaments pour le traitement du paludisme dans les zones non endémiques qui pourraient expirer), au détriment d’autres zones ayant des besoins plus importants.

2 La responsabilité sociale est déterminée par la perspective du citoyen/utilisateur/société afin de garantir le maintien de la qualité du service.

3 La NIPN est ancrée dans les institutions existantes et les systèmes nationaux de coordination multisectorielle pour la nutrition. À partir de l’analyse des données disponibles et partagées, elle génère des données probantes utilisées par les acteurs infranationaux pour élaborer des politiques, concevoir des programmes et allouer des investissements. http://www.nipn-nutrition-platforms.org/Kenya-202

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