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Retour à l'école : Le rôle des Ecoles des maris dans l'amélioration de la santé et de la nutrition maternelle et infantile au Niger

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Ali Idrissa est un agent de terrain pour le projet AGRANDIS Nut1 au Niger pour l’ONG Helen Keller International (HKI). Il supervise 11 villages d’intervention du projet qui sont situés dans les communes de Koré mairoua et Tibiri.

Idrissa Oumarou Kandagou est l’assistant du projet AGRANDIS Nut. Il a commencé à travailler pour HKI Niger en 2015, et supervise trois superviseurs de terrain des zones nord, centre et sud des départements de Dogondoutchi et Tibiri.

Aichatou Laminou Mamane est la coordonnatrice du Projet AGRANDIS Nut. Elle coordonne l’équipe du projet pour la mise en oeuvre des activités. Elle est avec HKI depuis 2014.

Halimatou Niandou est la responsable des Programmes Nutrition et Chargée de Communication d’HKI Niger. Elle est avec HKI depuis 2009. Elle apporte son appui technique aux projets de nutrition y compris AGRANDIS Nut.

Introduction

L'Ecole des maris lors d'une séance d'éducation dans le village de Toudoun Baouchi, au NigerDans le contexte social du Niger, le mari est le décideur clé en termes de santé et de nutrition maternelle et infantile (SNMI) – il peut donc potentiellement devenir un partenaire dans l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle de sa famille et de la communauté. Suite à une enquête de 20072, les menaces à la SNMI ont pu être identifiées et incluent le fait que les hommes n'autorisent pas les femmes à accéder aux services de santé ou ne leur offre aucun soutien concernant les pratiques recommandées telles que l’allaitement maternel exclusif. Ainsi, l’initiative des Ecoles des maris (EDM) a été lancée dans le but d'impliquer les hommes dans la promotion de la SNMI et de la santé reproductive, et d’encourager un changement de comportement de leur part.

S'inspirant de cette stratégie, Helen Keller International (HKI) a créé ses propres Écoles de maris en 2011 dans les départements de Dogondoutchi et Tibiri. Puis AGRANDIS Nut en 2015, un projet d'agrandissement des installations de santé et de communauté visant à prévenir et traiter la malnutrition au Niger dans 100 villages, a créé des EDM dans 50 villages (une par village).

Qu'est-ce qu'un « mari modèle » ?

Une partie de la stratégie clé du projet consiste à mettre l'accent sur la « communication pour le changement de comportement social ». Ce résultat est obtenu par le biais des structures communautaires, composées de relais communautaires, de matrones (accoucheuses traditionnelles) et tradipraticiens (médecins traditionnels) basés dans les villages, ainsi que les groupes de soutien à l’allaitement maternel exclusif (GSAME), les groupes de soutien à l’alimentation de complément (GSAC) et des EDM qui ont été mises en place.

Cependant, une attention toute particulière a été mise sur les membres des EDM dans le cadre de l’approche « éducateurs pairs ». Les maris sont choisis dans la communauté selon les critères suivants : ils doivent être mariés, de bonne moralité, âgés d'au moins 25 ans et savoir lire et écrire. Leur femme doit utiliser les services de santé et ils doivent accepter qu'elle participe à des associations/groupements. Ils doivent être disponibles pour l'école et les autres membres de la communauté, ainsi que soutenir leur propre famille et participer à l'éducation des enfants.

Comment fonctionne l'Ecole des maris ?

Chaque EDM compte 10 membres et est supervisée par l'agent de terrain du projet et le responsable du centre de santé du village. Tous les membres sont formés sur les AEN/AEH (Actions Essentielles en Nutrition et les Actions Essentielles en Hygiène), et reçoivent des boites à image d'éducation et des supports papiers pour la collecte de données. Tout le monde est sur un pied d'égalité dans le groupe ; il n’y a pas de leader désigné, et tout membre ayant l'appui du groupe peut diriger une réunion sur un sujet qu'il maîtrise. Au besoin, l’école fait appel à une personne-ressource tel qu'un chef religieux, un agent de santé ou un enseignant pour accroître les connaissances des membres et de la communauté dans son ensemble, et renforcer les liens au sein du groupe.

« Grâce aux diverses démonstrations culinaires organisées par Ali Idrissa (de l'ONG HKI), les femmes ont acquis beaucoup de connaissances quant aux types d’aliments à donner à leurs enfants. »

Chekaraou Kouabo, chef de village de Nassarawa

Sur la base de leur planification mensuelle, les maris modèles organisent des discussions de groupe avec leurs pairs sur des sujets tels que l’importance des bonnes pratiques en matière d'alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE), la nutrition des femmes enceintes et allaitantes, la planification familiale, l’hygiène et les problèmes de santé identifiés au sein de la communauté. Les membres des EDM encouragent les hommes à partager leurs expériences, leurs doutes et leurs craintes concernant l'application de ces pratiques. Ces cadres de réflexions interactifs permettent aux maris modèles d’observer et d’identifier les hommes qui sont partiellement convaincus, et chez qui une visite à domicile (VAD) serait nécessaire pour les amener à adopter les bonnes pratiques. Les visites à domicile sont aussi effectuées chez tous les membres, afin de les encourager à poursuivre leurs efforts. Les couples qui acceptent de pratiquer la planification familiale à l’issue de la visite sont orientés vers un centre de santé avec un coupon de référence afin de recevoir le soutien nécessaire. C'est ce qui permet de mesurer les efforts fournis par ces maris modèles dans l'augmentation du taux de fréquentation des centres de santé et l'adoption de la planification familiale.

De plus, les EDM écrivent et présentent des sketches ou des pièces sur les thèmes qu'elles promeuvent dans les lieux publics, lors de cérémonies ou toute autre occasion au sein de la communauté afin de susciter une prise de conscience. Les maris modèles font également la promotion de l'hygiène en organisant régulièrement des journées de salubrité publique dans les villages, ainsi qu'en installant des stations de lavage de mains « tippy-tap » et des latrines dans les maisons. Les autres activités de construction comprennent la fabrication d'incinérateurs traditionnels, des installations de lavage des mains dans les lieux publics et des clôtures, les hangars et salles d'attente dans les centres de santé.

Suivi et évaluation du projet

Chaque EDM tient une réunion bimensual pour évaluer la programmation mensuelle et rendre compte des activités telles que les visites aux membres du village. Des indicateurs sont enregistrés pour chaque élément, comme l'éducation sur les pratiques de l'ANJE (par exemple le nombre de maris qui achètent de la viande, des fruits ou des oeufs au moins une fois par semaine pour les femmes et les enfants de la famille). Le projet a relevé une augmentation dans le nombre d'enfants visitant les centres de soins de santé, et de nombreuses réalisations d'action communautaire, telles que les activités d'hygiène et d'assainissement dans les villages. Comme principales leçons tirées dans le fonctionnement de ces EDM, c’est la mobilité des membres qui partent en exode en période de soudure. En réponse à cette insuffisance, au cours de la prochaine phase du projet il est prévu des activités génératrices de revenus (AGR) pour renforcer leur résilience à cette période et les maintenir sur place. Aussi suite aux requêtes des membres des EDM qui disent être limités dans la réalisation des séances de salubrité villageoise par manque d’outils le projet prévoit également de les appuyer en kit d’hygiène et d’assainissement (pelle, râteaux, brouette, etc).

Une évaluation finale de l'impact est prévue pour février 2018. La recherche opérationnelle jusqu'à présent montre qu’il y a eu une augmentation de la communication au sein des couples et que plus d'hommes aident leurs femmes dans les tâches domestiques (comme par exemple la corvée de l’eau et du bois, particulièrement lorsque leurs femmes sont enceintes) et s’impliquent dans le suivi de l’état de santé et de nutrition de leurs familles. Le coût annuel des Ecoles des maris par village, incluant le renforcement des compétences, le coût du carburant pour le suivi / la supervision du personnel de projet, etc., sont estimés à un peu plus de 1 280 $US.

« Les activités de l’école m'ont ouvert les yeux et ont amélioré notre vie de couple, puisque je me suis engagé à aider ma femme dans ses tâches quotidiennes et à prendre les décisions concernant notre famille ensemble, telles que la planification familiale, ainsi que l' accompagner au centre de santé. Parfois, je prépare même le dîner quand elle est occupée. J'ai planté du moringa pour en faire consommer à ma famille afin d'améliorer leur état nutritionnel (il est riche en fer et en vitamine A) et pour que ma femme puisse le vendre. »

Tanimoune Amadou, agriculteur, mari et père de cinq enfants, dans le village de Badifa

Pérennisation des Ecoles des maris

La phase suivante du projet consiste à étendre les EDM aux 50 autres villages de la zone du projet, en s'appuyant sur les enseignements tirés de la première phase. La stratégie des EDM fait partie de la politique nationale concernant la planification familiale / la santé reproductive au Niger, et l'évaluation finale de HKI pourrait renforcer le plaidoyer pour son inclusion dans la révision de la politique nationale de nutrition au Niger.


1Agriculture & Nutrition Development for Improved Child Survival (AGRANDIS Nut) pour « Sauver des vies grâce la prévention et au traitement de la malnutrition aigue »

22007, le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP)/Laboratoire d’Analyses Sociales pour le Développement local (LASDEL) - Etude sur les obstacles à la promotion de la santé de la reproduction dans la région de Zinder (Niger), 2007.

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