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Creuser jusqu'au niveau infranational : Mise en oeuvre multisectorielles au Kenya, au Népal et au Sénégal

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L’équipe de Gestion des Connaissances SUN de l’ENN

Des progrès substantiels ont été accomplis dans la défense de renforcement de programmes multisectoriels pour la nutrition par le biais de la mise en place de mécanismes de coordination intégrés au sein des gouvernements nationaux. Des initiatives telles que le Mouvement SUN (Scaling Up Nutrition) sont parmi les catalyseurs du rassemblement de plusieurs secteurs.

Les pays sont encouragés à développer des plans d'action multisectoriels en matière de nutrition avec comme objectif de réduire la malnutrition en engageant de multiples secteurs et intervenants. Travailler de façon multi-sectorielle et mettre en oeuvre des activités multisectorielles, n’est cependant pas simple et de nombreux pays rencontrent des difficultés dans l'adoption de ces approches.

Dans le cadre du rôle de l'ENN en matière de Gestion des Connaissances (GC) pour soutenir le Mouvement SUN, une documentation approfondie sur la manière dont les programmes multisectoriels sont mis en oeuvre au niveau infranational est introduite dans trois pays où SUN est présent (Kenya, Sénégal et Népal), mettant l’accent sur six districts (deux par pays).

Le choix de divers pays et districts était intentionnel afin de mettre en évidence la façon dont des plans nationaux sont traduits selon diff érents contextes et de comprendre le degré de gestion locale dans la mise en oeuvre de ces plans. Alors que le Mouvement SUN compte 60 pays membres, en réalité il s'agit plutôt de centaines de régions et de districts, qui jouent tous un rôle crucial dans la détermination des réussites nationales en matière de nutrition et dans l'atteinte des objectifs mondiaux.

L'équipe régionale GC de l’ENN a identifié les principaux intervenants et conduit des entretiens d'information détaillés avec des personnes au niveau national et de district/comté. On a également rendu visite aux communautés de chaque district afin de voir les programmes sur le terrain et s'entretenir avec les agents communautaires des secteurs concernés.

Certaines des grandes questions soulevées par cette étude sont :

  • Comment les plans et programmes multisectoriels nationaux sont-ils interprétés et mis en oeuvre sur le terrain ?
  • Que se passe-t-il dans des contextes de pays fortement décentralisés ?
  • Comment une action multisectorielle fonctionne-t-elle en pratique et comment les personnes au niveau du district ou de la mise en oeuvre comprennent-elles celle-ci ?
  • Quels sont les programmes sensibles à la nutrition en cours de mise en oeuvre ; comment et par qui le sontils ; et quelles sont les réussites, les leçons apprises et les défis rencontrés ?

Qu'apprenons-nous sur la mise en oeuvre de programmes multisectoriels et des programmes sensibles à la nutrition ?

Bien que l’ENN en soit aux premiers stades de l’étude, les leçons importantes suivantes font leur apparition et seront développées dans son ensemble lors de la parution du NEX 10 (juillet 2018) et ailleurs.

Tout d’abord, nous constatons que différents types de programmes multisectoriels sont mis en place : certains où de nouveaux éléments sont ajoutés à un secteur existant ou à un programme spécifique pour rendre celui-ci encore plus axé sur la nutrition, et ceux où de nouveaux programmes sont planifiés et conçus par plusieurs secteurs mais, une fois mis en place, ne convergent pas (c'est-à-dire qu'ils ne se rencontrent pas en termes de géographie ou de populations cibles) car les secteurs travaillent séparément pour mener à bien leurs projets.

Au Sénégal, le PRN1 est un exemple de programme spécifiquement axé sur la nutrition (suivi de la croissance, promotion de la croissance et traitement de la malnutrition aiguë modérée) auquel des éléments sont ajoutés pour le rendre plus sensible à la nutrition. Les nouveaux éléments, y compris la protection sociale, l'eau, l'assainissement et l'hygiène (EAH) ainsi que la sécurité alimentaire, sont ajoutés dans certains districts en fonction des besoins et de la disponibilité des moyens financiers. Dans la région de Matam, par exemple, un élément relatif à la sécurité alimentaire des ménages est ajouté à la PRN pour soutenir une alimentation nutritive et la production animale.

Le programme P2RS2 au Sénégal en est un autre exemple. Mis en oeuvre dans les deux régions où l'analyse approfondie menée par l’ENN est en cours, P2RS combine la nutrition, la sécurité alimentaire et la résilience par le biais de quatre piliers principaux qui comprennent les infrastructures rurales, la protection des ressources forestières, le renforcement de la nutrition, l'emploi des jeunes, et le développement de chaînes de valeur dans tous les secteurs. Ces différents éléments de P2RS sont mis en oeuvre par différents ministères tels que l'Agriculture et l'Environnement, mais avec peu de convergence ciblée et/ou géographique.

Une agente en santé communautaire surveille la croissance d'un enfant en mesurant son périmètre brachial (PB) à Matam, Sénégal.

Le Plan de nutrition multisectoriel (PNMS) au Népal a rapproché les secteurs au niveau des districts et on a vu naître des exemples d'activités sectorielles plus orientées sur des activités sensible à la nutrition. Par exemple, le secteur de l'agriculture, dont l'objectif principal est traditionnellement d'augmenter la production de denrées et d'augmenter les revenus, cherche désormais à fournir une formation sur le développement de potagers afin de pouvoir améliorer la diversité alimentaire. Le secteur de la santé, qui s'était auparavant concentré sur le traitement de la malnutrition aiguë, a maintenant compris l'importance des activités de prévention par le biais de l'approche PNMS, et fournit désormais des conseils sur les activités EAH (comme la promotion du lavage des mains et les pratiques alimentaires), et ceci par l'intermédiaire de ses travailleurs de première ligne.

Dans certains districts, on assiste à des efforts pour mettre en oeuvre des activités nouvellement conçues par l'ensemble des secteurs dans une petite zone géographique, par exemple des groupes de 200 à 300 ménages, afin que les changements puissent être observés en fonction des résultats, pour ensuite être reproduits.

Le processus de ciblage est devenu très transparent. Cela a été atteint parce que l'importance des « 1 000 jours » (la grossesse plus les deux premières années de vie) a été largement soulignée. Le concept a été bien assimilé à tous les niveaux grâce à une campagne intensive, et il est désormais décrit comme étant « l'expression du moment » au Népal.

Au Kenya, le programme de Développement accéléré de la chaîne de valeur (DACV) a intégré à un niveau transversal les objectifs nutritionnels au sein des programmes agricoles. Par exemple, Makueni, l'un des 47 comtés décentralisés, est un comté sujet à la sécheresse où sont activement encouragées la culture et la consommation de céréales et légumineuses riches en nutriments, et résistantes à la sécheresse. L'inclusion de la nutrition au sein de l'agriculture se fait par le biais d'une base de données de bénéficiaires commune aux ministères de l'Agriculture, de la Santé et de l'Éducation. Le ministère de l'Agriculture sélectionne les bénéficiaires recevant des intrants agricoles (semences, formation, équipement agricole) et cette liste est ensuite partagée avec les agents communautaires du ministère de la Santé, qui sensibilisent les ménages sur l'importance et les enjeux de la diversité alimentaire. Le ministère de l'Éducation adopte ensuite la même liste de bénéfiaires pour identifier les parents dont les enfants sont dans les centres de développement de la petite enfance, ceci afin d'effectuer des démonstrations culinaires sur la préparation de ces mêmes aliments. De cette façon, l'agriculteur qui cultive les aliments est bénéficiaire à la fois des services agricoles et d'un service d'éducation en matière de nutrition, ceci permettant d'aller plus loin dans la chaîne de valeur.

Deuxièmement, nous constatons que les structures / budgets verticaux rendent la convergence extrêmement difficile et que nous disposons seulement d'une preuve limitée d'un changement, bien que l'on assiste à certains changements significatifs, en matière de ciblage et de compréhension, par les secteurs, de l'importance de leur travail en ce qui concerne la nutrition.

La mise en oeuvre du plan de nutrition multisectoriel au Népal au niveau du district a été coordonné par le Comité de Développement de District (CDD), où un Comité de sécurité Alimentaire et Nutritionnel a été formé. Il comprenait des points focaux du plan de nutrition multisectoriel en provenance de tous les secteurs et était dirigé par l'agent de développement local du district. Cette structure, bien que clairement compréhensibles par tous, dépendait trop de la personnalité du point focal du plan de nutrition multisectoriel. Les changements fréquents de personnel ont eu un impact sur le fonctionnement et la continuité des services fournis.

Avec un transfert au Kenya, le plan de développement intégré pour le comté (PDIC) est le document qui rassemble les diff érents secteurs. Tel qu’il existe actuellement, il regroupe tout simplement les plans spécifiques à un secteur, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas encore d'une consolidation des différents plans de secteur. On peut toutefois le considérer comme un arrangement administratif pour la consolidation des plans spécifiques à un secteur. Certaines des lacunes identifiées comprennent l'impossibilité d’activer la responsabilisation intersectorielle ; l'incapacité à articuler une surveillance conjointe ; et l’incapacité de fournir un budget commun. La budgétisation et le suivi au niveau gouvernemental ainsi que les systèmes d’évaluation sont toujours propres à chaque secteur.

Troisièmement, la collaboration multisectorielle sur le terrain est souvent activée/catalysée par des partenaires du développement ou des partenaires locaux en rendant disponibles les ressources pour le transport, les réunions et la coordination, tout en définissant les approches et la sensibilisation. Toutefois, la coordination peut être à la fois coûteuse et chronophage, en soulignant l'importance de la prise en compte de la durée que ces processus peuvent prendre et des ressources dédiées qui sont nécessaires pour accéder à une coordination durable. Cela peut à son tour conduire à « la fatigue » lorsqu’il y a beaucoup de réunions intersectorielles au niveau des districts sur la nutrition, prenant une quantité importante de temps du personnel au niveau des districts.

Au Népal le Ministère fédéral des affaires et du développement local (MFdADL), le ministère nodal de transposition au niveau des districts, a mis en place le programme de surveillance des unités soutenu par l’UNICEF-UE et géré par une ONG locale. Ces unités servent à surveiller et à déplacer les comités au niveau des districts afin de se rencontrer fréquemment et de garantir un suivi régulier des finances et de l'activité. La plupart des parties prenantes du gouvernement a reconnu l’utilité de ce mécanisme ; a fortiori parce que le budget du plan de nutrition multisectoriel n’a pas prévu de personnel supplémentaire au niveau des CDD ou dans les diff érents services du secteur.

Au Kenya, la politique de Nutrition et de sécurité alimentaire est un document clé qui fourni un cadre national pour les projets multisectoriels. Des acteurs issus des Ministères de l'Agriculture et de la Santé opérant au niveau managérial dans les comtés et ci-dessous le citent comme un document politique fondamental. Mais, son cadre de mise en oeuvre doit encore être déployé et les secteurs manquent de mécanismes de financement intersectoriels.

Quatrièmement, apprendre en faisant est inévitable ; il y a donc un besoin d’efforts à long-terme/durables et un engagement qui permettent l’adaptation à un environnement en perpétuel changement, des enseignements tirés des erreurs/actions et du temps pour de nouvelles approches qui « infusent » et deviennent gérées et intégrées au niveau du district.

Il est possible de mesurer des approches multisectorielles au moyen de réalisations simples et complexes. Des réalisations simples peuvent être intangibles mais sont cruciales pour faciliter la promotion et la diffusion de programme multisectoriels. Cela peut comprendre des acteurs clés dans la nécessité de travailler au niveau multisectoriel et d’être prêt à essayer une approche plurisectorielle pas encore testée. Par exemple, les réunions de coordination, soutenues par la DACV au Kenya, ont été la première plate-forme où des acteurs issus de ces ministères ont échangé autour d'un programme d’intérêt commun. Les réalisations faciles consistaient, dans les ministères, à « se connaître » les uns les autres et à trouver des éléments du programme qui concernent les deux secteurs.


 

1Programme de renforcement de la nutrition.

2Programme de renforcement de la résilience au Sahel.

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