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Intégration d’interventions nutritionnelles essentielles dans les services de soins de santé primaires du Pakistan en vue de prévenir et traiter l’émaciation : l’histoire d’une transformation

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Par Baseer Khan Achakzai, Eric Alain Ategbo, James Wachihi Kingori, Saba Shuja, Wisal M. Khan et Yasir Ihtesham

Baseer Khan Achakzai est directeur de la nutrition au ministère de la Coordination et de la Réglementation des services de santé nationaux du Pakistan. Il dispose de plus de 26 ans d’expérience en tant que professionnel de la santé publique au sein du gouvernement du Pakistan. Il a dirigé de nombreux programmes de santé publique mis en œuvre par le ministère fédéral de la Santé.

Eric Alain Ategbo occupe le poste de responsable de la nutrition du bureau de l’UNICEF au Pakistan. Nutritionniste depuis plus de 30 ans, il a préalablement travaillé pour les bureaux de l’UNICEF en Éthiopie, en Inde, au Niger, en Ouganda et en République démocratique du Congo ainsi que pour le Département de la nutrition et de la technologie alimentaire de la Faculté d’agriculture de l’Université Abomey-Calavi.

James Wachihi Kingori est responsable régional de la nutrition au bureau du Programme alimentaire mondial (PAM) pour l’Asie-Pacifique. Nutritionniste, James possède plus de 20 ans d’expérience sur le terrain au sein d’organisations non gouvernementales et d’agences des Nations Unies en Afrique, au Moyen-Orient ainsi qu’en Asie-Pacifique.

Saba Shuja est nutritionniste au bureau de l’UNICEF au Pakistan. Professionnelle de la santé publique, elle œuvre depuis plus de 15 ans dans le secteur de la santé et de la nutrition.

Wisal M. Khan est spécialiste de la nutrition au sein du bureau de l’UNICEF au Pakistan. En tant que professionnel de la santé publique, il possède plus de 20 ans d’expérience dans le secteur de la santé et de la nutrition.

Yasir Ihtesham occupe le poste de responsable intérimaire de la nutrition au bureau du PAM au Pakistan. Il s’agit d’un expert de la santé publique qui travaille depuis plus de 12 ans dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence. Yasir a également collaboré avec des organisations des Nations Unies dans des contextes d’aide au développement.

Lieu : Pakistan

Ce que nous savons : Au Pakistan, le taux de couverture des services de prise en charge de l’émaciation reste faible malgré une prévalence extrêmement élevée chez les enfants.

Ce que cet article nous apprend : Les premiers programmes de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) ciblant le Pakistan ont été déployés en 2005. Ils constituaient alors des interventions isolées, financées par des acteurs externes en réaction au séisme de la région d’Azad Cachemire, puis aux crises qui ont suivi dans les provinces du Penjab et du Sind. En 2010, le Pakistan a élaboré des directives nationales sur la PCMA (mises à jour en 2015) afin d’orienter la programmation des activités de ce domaine dans les districts prioritaires, qui sont cofinancées par le gouvernement et des partenaires externes depuis 2011. Mis en œuvre au moyen d’une plateforme gouvernementale pour la fourniture de services de santé, le programme de PCMA reposait cependant sur une structure verticale composée d’un personnel, d’une chaîne d’approvisionnement et d’un système de gestion de l’information lui étant propres. En octobre 2018, des partenaires externes ont profité de la signature par le gouvernement de la déclaration d’Astana sur la couverture sanitaire universelle pour promouvoir l’intégration d’un ensemble de mesures essentielles relatives à la nutrition (y compris à la PCMA) au système de santé publique. Le gouvernement ayant accepté cette suggestion, l’ensemble d’actions essentielles en nutrition fait actuellement l’objet d’une évaluation des coûts afin d’orienter l’affectation des ressources en vue d’une mise en œuvre progressive. Des plans de renforcement des capacités des agents de santé (y compris des femmes agents de santé, qui forment le noyau des agents de santé communautaire au Pakistan) sont également en cours d’élaboration. L’objectif est de fournir des services et d’assurer l’intégration des produits et des données des programmes de PCMA dans la chaîne d’approvisionnement en produits courants et dans les systèmes de gestion de l’information.

Contexte

Le Pakistan est le sixième pays le plus peuplé au monde (Bureau de statistiques du Pakistan, 2018). On estime que 39 % de la population du pays est touchée par la pauvreté (gouvernement du Pakistan, 2018). La sous-nutrition chez les enfants demeure un problème de santé publique qui contribue à un taux élevé de mortalité infantile (actuellement égal à 74 décès pour 1000 naissances vivantes) et freine le développement socioéconomique. Une analyse du coût de la faim menée par le gouvernement pakistanais et le Programme alimentaire mondial (PAM) en 2017 a révélé que la malnutrition entraîne une perte annuelle de 7,6 milliards de dollars US pour le pays, ce qui représente 3 % de son produit intérieur brut. Les taux d’émaciation (malnutrition aiguë) et de retard de croissance (malnutrition chronique) constatés parmi les enfants de moins de cinq ans sont encore très élevés et se situent respectivement à 17,7 % et 40,2 % (gouvernement du Pakistan et UNICEF, Enquête nationale sur la nutrition 2018). Alors que la prévalence du retard de croissance chez les jeunes enfants évolue très lentement, avec une propension à la baisse, le taux d’émaciation suit une courbe ascendante constante depuis trente ans ; il est passé de 12,5 % en 1990 à 17,7 % actuellement (figure 1). Le taux d’émaciation sévère ou de malnutrition aiguë sévère (MAS) a également augmenté, passant de 5,8 % en 2011 à 8,0 % en 2018 (gouvernement du Pakistan et UNICEF, enquêtes nationales sur la nutrition de 2011 et 2018).

De nombreuses causes complexes sont à l’origine de la sous-nutrition infantile au Pakistan. L’un des facteurs d’ordre individuel les plus importants est la sous-nutrition des mères, qui a une influence majeure sur le taux élevé d’enfants nés avec un petit poids de naissance (20 % environ) enregistré dans le pays. La sous-nutrition maternelle se manifeste à travers la prévalence de l’anémie (42,7 %), des carences en vitamines A (22,4 %) et D (54 %), de l’émaciation (14,4 %) et des problèmes de surpoids et d’obésité (38 %) chez les femmes en âge de procréer (gouvernement du Pakistan et UNICEF, 2018). Le faible taux de prise des suppléments en fer et en acide folique distribués aux femmes enceintes (32,9 %) en est un autre indicateur. Les mariages précoces et le faible niveau d’éducation des mères sont également associés à la sous-nutrition infantile (Khan et al., 2019). Les pratiques non optimales d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) sont également largement répandues. Parmi les nourrissons de moins de six mois, la moitié seulement bénéficient d’un allaitement maternel exclusif et moins d’un sur vingt (3,5 %) reçoit les aliments complémentaires nécessaires dans le cadre d’un apport alimentaire minimum acceptable. D’autres causes sous-jacentes de la sous-nutrition au Pakistan sont l’insécurité alimentaire (dont le ministère pakistanais de la Planification, du développement et de la réforme estimait en 2018 qu’elle touchait 58 % des ménages), des soins inadéquats, le manque d’accès aux services sociaux de base et leur mauvais taux d’utilisation ainsi que la forte prévalence de la pauvreté.

Afin d’améliorer le taux de couverture des services de traitement de l’émaciation chez les enfants et ainsi contribuer à réduire la morbidité et la mortalité infantiles, le gouvernement a adopté et commencé à appliquer des programmes de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) en 2005. La PCMA a d’abord constitué une intervention nutritionnelle isolée mise en œuvre dans des situations d’urgence. Le gouvernement en a plus tard assumé la responsabilité et travaille actuellement à l’intégrer aux services de soins de santé primaires, en vue de la déployer à l’échelle nationale. Cet article décrit le déroulement de ce processus, les principaux facteurs favorables, les obstacles rencontrés et les leçons apprises.

Évolution des méthodes de traitement de l’émaciation au Pakistan

La PCMA en tant qu’intervention d’urgence isolée et financée par des donateurs

Au cours des quinze dernières années, le Pakistan a traversé plusieurs catastrophes majeures et sans précédent, dont certaines étaient naturelles (séismes, inondations et sécheresses) et d’autres provoquées par l’homme (présence de nombreuses milices et opérations en résultant). Ces catastrophes ont eu des effets dévastateurs sur les systèmes sanitaire et alimentaire du pays. En 2005, un tremblement de terre dans la région du Cachemire sous contrôle pakistanais (Azad Cachemire) et la province voisine du Khyber Pakhtunkhwa a provoqué des inondations dans le district de Jhal Magsi (province du Balochistan) et des déplacements internes de population en direction du Khyber Pakhtunkhwa. Afin de remédier au taux élevé d’émaciation consécutif à cette catastarophe, le Pakistan a mis en œuvre son premier programme de PCMA. Les éléments fondamentaux de ce programme comprenaient notamment le dépistage des communautés ainsi que l’hospitalisation des patients atteints de MAS avec complications et le traitement en ambulatoire des patients souffrant de malnutrition aiguë modérée (MAM) ou de MAS sans complications (au moyen d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) pour les premiers et d’aliments supplémentaires prêts à l’emploi (ASPE) pour les seconds. Cette répartition des patients avait pour principal objectif l’augmentation rapide du taux de couverture des services de traitement de l’émaciation, au-delà des niveaux atteignables par l’intermédiaire de programmes reposant uniquement sur les établissements de santé. Ce programme vertical, indépendant et d’une importance vitale, prévu pour être déployé dans des situations d’urgence, dépend essentiellement du soutien financier de donateurs externes et d’organisations humanitaires.

Entre 2005 et 2011, de nombreuses situations d’urgence au Pakistan ont donné lieu à la mise en place d’activités de PCMA, toutes financées par des donateurs, structurées verticalement et d’une importance vitale. Tel a notamment été le cas de l’intervention mise en place à la suite des crues soudaines de rivières survenues en 2010 et 2011 dans les provinces du Penjab et du Sind, provoquées par les pluies de mousson. Ces inondations ont dévasté un tiers du pays, causé de vastes déplacements internes de population ainsi que d’importants dysfonctionnements des services sociaux et du système agricole, mis en péril les moyens d’existence de la population et endommagé de nombreuses infrastructures. Un groupe thématique sur la nutrition (cluster Nutrition) a rapidement été instauré à l’échelle des provinces et des districts afin de coordonner les interventions nutritionnelles dans les régions touchées. Le programme de PCMA a été mis en œuvre par des ONG financées par des acteurs externes et des organisations des Nations Unies, mais les services ont partiellement été fournis au moyen de l’infrastructure sanitaire gouvernementale existante.

L’efficacité avec laquelle l’intervention nutritionnelle d’urgence a permis d’éviter un nombre considérable de décès a porté la PCMA sur le devant de la scène au Pakistan. Afin d’éviter l’interruption des services de nutrition une fois la situation d’urgence terminée et de poursuivre les progrès obtenus au cours de la crise, le gouvernement pakistanais a élaboré en 2010 des directives en matière de PCMA adaptées au contexte national (mises à jour en 2015), avec le soutien de l’UNICEF, du PAM, de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de différentes ONG. L’objectif des directives était de fournir un cadre d’orientation pour la prise en charge de la malnutrition aiguë. Elles n’ont toutefois été appliquées qu’en situation d’urgence, à de rares exceptions près, et la prise en charge de l’émaciation (à l’instar d’autres interventions nutritionnelles) n’a pas été intégrée aux services de santé de routine.

La PCMA en tant que programme vertical financé par le gouvernement

En 2012, le gouvernement pakistanais a lancé des programmes de PCMA dans des districts confrontés ou non à des situations d’urgence. Les districts ont été sélectionnés en fonction des résultats de l’Enquête nationale sur la nutrition de 2011, de la taille de leur population et de la disponibilité de fonds provenant du gouvernement et de donateurs externes (essentiellement de la Banque mondiale). Les programmes provinciaux de nutrition pour la période 2016-2019 prévoyaient la mise en œuvre de la PCMA dans l’ensemble des 36 districts du Penjab, des neuf districts du Sind, des sept districts du Balochistan et dans plusieurs districts du Khyber Pakhtunkhwa. Les activités de PCMA ont depuis été étendues à l’ensemble de la province du Penjab, et un programme de prévention du retard de croissance a été mis en place dans certains districts du sud de la province. De même, la province du Sind a poursuivi la programmation de la PCMA à travers l’élaboration d’un plan d’action accéléré portant sur 12 districts. Les activités de PCMA programmées dans dix de ces districts bénéficient du soutien financier du Programme for Improved Nutrition in Sindh de l’Union européenne (programme pour l’amélioration de la nutrition au Sind). La province du Khyber Pakhtunkhwa a également continué à programmer les activités de PCMA et les a déployées à plus grande échelle. Au Balochistan, la PCMA est en cours d’extension par l’intermédiaire de la reconduite du programme provincial de nutrition. Le modèle employé dans les provinces repose sur l’identification des enfants souffrant d’émaciation en tant que porte d’accès à tous les services de nutrition, y compris de sensibilisation à l’ANJE, de supplémentation par poudres de micronutriments et de prise en charge de la MAS.

Au sein de ce système, la PCMA continue de faire l’objet d’une programmation verticale. Elle est placée sous la même égide que les autres services de santé de chaque province, mais dispose d’un personnel propre (composé d’une équipe de gestion et d’un ensemble distinct de nutritionnistes assistants) ainsi que d’une chaîne d’approvisionnement et d’un système de gestion des informations non intégrés aux infrastructures gouvernementales existantes. Les difficultés associées à ce mode de fonctionnement comprennent la fragmentation du système de gestion de l’information, une mauvaise gestion des approvisionnements et de la logistique ainsi qu’une dépendance aux subventions à court terme qui nuisent à la durabilité des services. Le taux de couverture du programme reste donc faible : en 2019, environ 265 000 enfants du pays ont reçu un traitement contre la MAS, tandis que 157 000 enfants ont été pris en charge en raison d’une MAM. Le taux de couverture total s’élève ainsi à environ 5 %.

Contexte favorable à l’intégration des interventions nutritionnelles aux services de soins de santé primaires de base du Pakistan

En octobre 2018, le gouvernement pakistanais a entièrement souscrit à la déclaration d’Astana sur la revitalisation des systèmes de santé publics1 et pris des mesures visant à réformer la mise en œuvre des soins de santé primaires dans le pays afin de tendre vers une couverture sanitaire universelle. Ce contexte a fourni une occasion unique de tirer parti des infrastructures sanitaires pour fournir des services de nutrition. Des organisations partenaires actives dans le secteur de la nutrition (notamment la Banque mondiale, l’UNICEF, l’OMS et le PAM) ont profité de cette occasion pour encourager le gouvernement à intégrer les services de prévention et de prise en charge de l’émaciation dans l’ensemble des services de soins de santé primaires de base, à l’aide d’interventions nutritionnelles choisies. Il a par conséquent été convenu qu’un ensemble minimal de services de nutrition (prise en charge de l’émaciation ; services fondamentaux de prévention et de sensibilisation, y compris de conseil en matière d’ANJE ; supplémentation en vitamine A ; distribution de vermifuges ; et supplémentation en micronutriments multiples pour les enfants et les femmes enceintes et allaitantes) serait incorporé à l’ensemble de services sanitaires universels fournis par le personnel de santé existant dans le cadre du système de santé gouvernemental. Il a également été décidé que le système de gestion logistique des produits nutritionnels inclurait des intrants nutritionnels, que les indicateurs relatifs à la nutrition seraient intégrés au système d’information sanitaire et que la supervision des services de nutrition serait renforcée afin d’améliorer la viabilité des programmes.

Encadré 1 : Le système de soins de santé primaires du Pakistan

L’élaboration d’un système de soins de santé primaires a été envisagée pour la première fois au Pakistan dans le cadre du sixième plan quinquennal du gouvernement (1983-1988). Depuis lors, ce système a fait l’objet d’investissements considérables. Le pays dispose aujourd’hui d’une solide infrastructure de prestation de soins de santé primaires, administrée par les autorités provinciales et s’appuyant sur un réseau d’agents de santé communautaires, de sages-femmes locales, d’unités sanitaires de base et de centres de santé ruraux. Il existe actuellement plus de 14 351 établissements sanitaires gouvernementaux au Pakistan, dont 1279 hôpitaux, 5 671 dispensaires, 686 centres de santé ruraux, 5 527 unités sanitaires de bases, 747 centres de santé maternelle et infantile et 441 cliniques de prise en charge de la tuberculose2.

Les femmes agents de santé forment un noyau de professionnelles qui œuvrent en première ligne au sein de leur communauté et bénéficient de l’appui de responsables chargées de fournir des services dans les établissements sanitaires. Recrutées et affectées localement, les femmes agents de santé sont principalement chargées des services de base en matière de sensibilisation, de prévention et de traitement fournis aux communautés, y compris des services de planification familiale ainsi que de santé maternelle et infantile. Elles sont formées, soutenues, approvisionnées en fournitures médicales et payées par les établissements sanitaires publics les plus proches.

Dans le cadre du 18amendement à la Constitution, le gouvernement pakistanais a délégué de nombreux ministères aux provinces, dont ceux de la Santé et du bien-être de la population. Les provinces ont ainsi vu augmenter leur marge de manœuvre en matière de planification stratégique, d’allocation des ressources et de gestion des activités sur leur territoire. Cependant, les programmes de nutrition n’ont jusqu’alors pas été intégrés à la solide infrastructure de soins de santé primaires dont le pays dispose pourtant. Malgré leur mise en œuvre au sein des mêmes établissements sanitaires que les services de base, ces programmes isolés reposent sur une structure verticale composée d’un personnel, de chaînes d’approvisionnement et de systèmes de gestion de l’information distincts.

Processus d’intégration

L’intégration d’un ensemble minimal de services de nutrition au système de soins de santé primaires du Pakistan suit le modèle établi par le projet Disease Control Priority (DCP3) (encadré 2). Elle est soutenue par un groupe de travail technique dirigé par le ministère de la Santé du Pakistan et bénéficiant de l’appui de l’UNICEF. Le Pakistan est le premier pays à adopter le DCP3 et reçoit à cette fin l’assistance technique de l’université de Liverpool au Royaume-Uni.

Encadré 2 : Approche du projet Disease Control Priority (DCP3)

Le DCP3 effectue un examen régulier des données disponibles les plus récentes sur le rapport coût-efficacité des interventions afin d’aider les communautés disposant de ressources limitées à lutter contre les effets de nombreuses maladies. Le DCP3 définit un modèle de couverture sanitaire universelle essentielle composé de 218 interventions qui constituent un point de départ pour l’analyse des priorités propres à chaque pays. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure qui parviendraient à assurer la bonne mise en œuvre d’une couverture sanitaire essentielle universelle d’ici à 2030 pourraient ainsi éviter 4,2 millions de décès prématurés par an, selon les estimations.

http://dcp-3.org/

Évaluation des coûts et allocation des ressources

Le ministère de la Réglementation et de la coordination des services de santé nationaux mène une analyse du rapport coût-efficacité des mesures proposées, y compris de l’ensemble minimal de services de nutrition et d’interventions essentielles en matière de santé ainsi que d’eau, d’assainissement et d’hygiène. À cette fin, la section Nutrition du ministère, avec le soutien technique de l’UNICEF, contribue à l’élaboration d’argumentaires d’investissement en faveur de la nutrition pour chacune des quatre provinces du Pakistan. L’outil Optima Nutrition3 est utilisé afin de déterminer quels investissements permettraient d’obtenir les meilleurs résultats en matière de nutrition. Ces activités orienteront les plaidoyers en faveur de l’affectation des ressources nécessaires à la mise en place, au Pakistan, de la prise en charge à grande échelle de l’émaciation par l’intermédiaire du système de soins de santé primaires.

Renforcement des capacités du personnel

À l’heure actuelle, la plupart des services de nutrition sont fournis par des nutritionnistes assistants dans les établissements de santé. Ces assistants constituent un ensemble particulier de professionnels non rémunérés par le gouvernement et recrutés en tant que personnel de projet lorsque les ressources disponibles sont suffisantes. Leur contrat s’achève au moment où le soutien financier prend fin. Ce dispositif est loin d’être viable à long terme. Il est possible de solliciter davantage les cohortes de femmes agents de santé au Pakistan afin d’accroître rapidement et de manière plus pérenne le taux de couverture des services de nutrition. Au cours des sept dernières années, la prestation de services de nutrition par les femmes agents de santé du pays a évolué ; elle est désormais intégrée au programme provincial de nutrition. Actuellement en cours de finalisation, ce programme devrait sensiblement accroître le taux de couverture des services de nutrition fournis par des femmes agents de santé (de 60 % à 80 %).

Atteindre cet objectif nécessitera de soutenir la formation continue des femmes agents de santé ainsi que d’autres catégories de personnel des établissements de santé, y compris les responsables des services de santé. La première vague de formations sera destinée aux responsables de district, tandis que la deuxième concernera les nutritionnistes assistants. Les nutritionnistes assistants basés dans les établissements de district dispenseront ensuite une version simplifiée de la formation aux femmes agents de santé. Un défi majeur de cette approche consiste à garantir la qualité des formations pour un nombre aussi important de personnes. En raison de la pandémie de COVID-19, le gouvernement pakistanais et l’UNICEF étudient actuellement la possibilité d’organiser des formations sur la nutrition en ligne. Des modalités similaires sont envisagées pour les formations sanitaires dispensées au personnel préalablement à leur intégration dans les services de santé. La qualité de ces formations s’était déjà révélée problématique par le passé, elle constituera donc l’une des priorités des prochaines étapes du projet. La coordination et la gestion de la mise en place des services de nutrition nécessiteront également une proportion suffisante de personnel ayant fait des études supérieures. Il conviendra donc de promouvoir l’inclusion de la nutrition dans les programmes des établissements de formation médicale et des institutions d’enseignement supérieur.

Intégration à la chaîne d’approvisionnement et aux systèmes de gestion de l’information du gouvernement

La production locale de suppléments nutritionnels spécialisés à base de lipides (ATPE) et d’ASPE pour le traitement de la MAM et de la MAS a désormais atteint un stade avancé et ces aliments sont employés dans le cadre de la mise en œuvre des programmes de PCMA. Afin de soutenir la production locale, le gouvernement pakistanais a adopté une loi d’exonération fiscale des matières premières importées en vue d’élaborer des ASPE. Des efforts sont déployés en vue d’obtenir une exonération similaire pour la production d’ATPE. Ces mécanismes amélioreront le rapport coût-efficacité des programmes et favoriseront leur durabilité en plus de permettre l’augmentation de la production. Des démarches ont également été entreprises en vue d’inclure les comprimés et les poudres de supplémentation en micronutriments multiples importés dans la liste des fournitures médicales essentielles. Enfin, les principaux indicateurs relatifs à la nutrition considérés comme prioritaires sont en cours d’intégration au système d’information sanitaire de district, ce qui permettra d’inclure l’ensemble des données liées à la nutrition et leur communication au système national d’information sanitaire.

Structure institutionnelle

Au cours des dernières années, le gouvernement du Pakistan a fait preuve d’une volonté grandissante de lutter contre la sous-nutrition endémique dans le pays, qui a résulté en l’élaboration de la Stratégie multisectorielle de nutrition du Pakistan pour la période 2018-2025. Cette stratégie vise à relier et à coordonner les stratégies sectorielles mises en place par les quatre provinces du pays dans le domaine de la nutrition et à optimiser le soutien fédéral en faveur des activités de programmation sensibles et spécifiques aux questions de nutrition. Le ministère de la Réglementation et de la coordination des services de santé nationaux est le principal responsable de la mise en œuvre des interventions sensibles à la nutrition dans le cadre de cette stratégie. Les stratégies de prévention et de traitement de l’émaciation sont déployées par l’intermédiaire du secteur de la santé (avec le soutien de la section Nutrition de la division de la planification et du développement du ministère de la Santé). Conformément aux Objectifs de développement durable, le but de la stratégie multisectorielle de nutrition du Pakistan est d’atteindre et de maintenir un taux national d’émaciation infantile inférieur à 5 % d’ici à 2025, ou au moins de parvenir à réduire ce taux de 0,5 % par an entre 2018 et 2025. Dans les situations d’urgence, l’allocation et la gestion des ressources relèveront de la responsabilité de l’Autorité nationale de gestion des catastrophes, qui devra collaborer étroitement avec les services de soins de santé primaires pour la mise à l’échelle des capacités. En cas de réussite, les efforts actuellement menés pour intégrer la nutrition aux soins de santé primaires dans le cadre d’une couverture sanitaire universelle pourront être intensifiés afin d’atteindre les objectifs de réduction de l’émaciation.

Le taux de couverture actuel du programme reste faible, moins de 10 % des enfants souffrant de MAS ayant accès à des services de traitement. D’importants efforts doivent être déployés afin d’augmenter le taux de couverture de manière graduelle, en accordant tout d’abord la priorité aux régions dont la population est fortement exposée au risque de poliomyélite. Il convient ensuite d’étendre les activités aux districts présentant un taux élevé de MAS, puis à l’ensemble du pays. Les possibilités d’intégration de ces mesures aux régimes de protection sociale et aux programmes de prévention de l’émaciation existants au Pakistan sont actuellement étudiées et mises à profit.

Conclusions

La transformation de la programmation de la nutrition au Pakistan est à l’œuvre depuis plusieurs années. Elle vise à assurer la transition d’une approche verticale axée sur les situations d’urgence à une approche systématique de développement visant à lutter contre la malnutrition en s’appuyant sur le système de soins de santé primaires. La sensibilisation et le plaidoyer continus auprès des décideurs politiques ont favorisé l’évolution vers une intégration complète, à l’échelle nationale, des services de nutrition dans le système de soins de santé primaires. Bien qu’approuvée par les autorités politiques, cette transformation doit encore être concrétisée. Dans l’immédiat, la prochaine étape consiste à inclure la prise en charge de l’émaciation dans la composante dédiée à la santé du plan quinquennal du gouvernement (2018-2023) ainsi que dans le Plan d’action national (2019-2023). Il convient également de promouvoir l’affectation de ressources financières suffisantes à la mise en place d’un ensemble minimal de services de nutrition, en s’appuyant sur les argumentaires d’investissement élaborés. Cette approche, à l’initiative du gouvernement, joue un rôle fondamental dans l’élargissement de la couverture des services de prévention et de traitement de l’émaciation, dans le cadre de la réalisation des objectifs nationaux de réduction de l’émaciation.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Eric Alain Ategbo à l’adresse : eaategbo@unicef.org.

 

Figure 1 : Tendances de la malnutrition infantile au Pakistan

Source : Enquête nationale sur la santé (1990-1994) et enquêtes nationales sur la nutrition (2001-2002 ; 2011 ; 2018)


1 En 2019, de nombreux pays ont formulé la Déclaration d’Astana, s’engageant ainsi à œuvrer au renforcement de leurs systèmes de soins de santé primaires en tant que composantes essentielles de la mise en place d’une couverture sanitaire universelle.https://www.who.int/docs/default-source/primary-health/declaration/gcphc-declaration-fr.pdf

3 Optima Nutrition est un outil quantitatif capable de fournir des conseils pratiques aux gouvernements concernant l’allocation des ressources disponibles ou prévues aux programmes de nutrition. http://optimamodel.com/


Références

Division des finances du gouvernement du Pakistan. (2018). Pakistan Economic Survey 2018-2019. Disponible à l’adresse suivante : www.finance.gov.pk/survey/chapters_19/Economic_Survey_2018_19.pdf

Gouvernement du Pakistan et UNICEF. (2018). Pakistan National Nutrition Survey 2018. Disponible à l’adresse suivante : www.unicef.org/pakistan/reports/national-nutrition-survey-2018-key-findings-report

Ministère pakistanais de la Planification, du développement et des réformes. (2018). Pakistan Multi-sectoral Nutrition Strategy 2018-2025.

Khan S., Zaheer S. et Safdar N.F. (2019). Determinants of stunting, underweight and wasting among children < 5 years of age: evidence from 2012-2013 Pakistan demographic and health survey. BMC Public Health 19, 358. Disponible à l’adresse suivante : https://doi.org/10.1186/s12889-019-6688-2

Bureau de statistiques du Pakistan. (2018). Monthly Bulletin of Statistics. [Mis à jour en juin 2018]. Disponible à l’adresse suivante : www.pbs.gov.pk/sites/default/files/other/monthly_bulletin/monthly_bulletin_of_statistics_july16.pdf.

 

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