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Le rôle fondamental de la prévention et du traitement de l’émaciation dans la réduction du retard de croissance au Pakistan

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Par Saba Shuja, Eric Alain Ategbo, Yasir Ihtesham et Khawaja Masood Ahmed

Saba Shuja est nutritionniste au bureau de l’UNICEF au Pakistan. Professionnelle de la santé publique dotée de plus de 15 ans d’expérience dans les secteurs de la santé et de la nutrition, elle a travaillé dans des contextes d’urgence et d’aide au développement en collaboration avec les Nations Unies et d’autres organisations humanitaires.

Eric Alain Ategbo est responsable de la nutrition au sein du bureau de l’UNICEF au Pakistan et a plus de 30 ans d’expérience en tant que nutritionniste en Éthiopie, en République démocratique du Congo, au Niger, en Ouganda et en Inde. Eric est un ancien membre du département de la nutrition et de la technologie alimentaire de la Faculté des sciences agronomiques à l’Université Abomey-Calavi, au Bénin.

Yasir Ihtesham occupe le poste de responsable intérimaire de la nutrition au bureau du Programme alimentaire mondial (PAM) au Pakistan. Expert en santé publique, Yasir travaille depuis plus de 12 ans avec des organismes des Nations Unies dans le domaine de la nutrition aussi bien en contexte de situation d’urgence que d’aide au développement.

Khawaja Masood Ahmed est le coordinateur national de l’Alliance nationale pour l’enrichissement des aliments du ministère pakistanais de la Réglementation et de la coordination des services de santé nationaux. Il travaille depuis plus de 30 ans dans les secteurs de la santé et de la nutrition.

Lieu : Pakistan

Ce que nous savons : Les taux d’émaciation et de retard de croissance demeurent considérablement élevés au Pakistan en dépit des plans nationaux pour l’atteinte des objectifs de développement durable. Le lien entre émaciation et retard de croissance est de plus en plus établi et reconnu.

Ce que cet article nous apprend : Le Pakistan a fait de la réduction du retard de croissance une priorité. Les services de prise en charge de l’émaciation du pays présentent un faible taux de couverture (inférieur à 5 %), qui contribue probablement à la prévalence persistante du retard de croissance. Des efforts sont actuellement menés pour intégrer le traitement de l’émaciation aux services de soins de santé primaires afin de favoriser sa plus large mise en œuvre. La stratégie multisectorielle du Pakistan en matière de nutrition pour la période 2018-2025 fournit des directives par secteur pour les activités menées à l’échelle fédérale et provinciale. Les secteurs concernés sont la santé, la protection sociale, l’éducation, l’agriculture, les moyens d’existence ainsi que l’eau, l’assainissement et l’hygiène (EAH). La plupart des interventions visant à lutter contre l’émaciation et le retard de croissance à l’échelle des provinces sont mises en œuvre isolément et avec des couvertures inégales. Elles recèlent toutefois un vrai potentiel de coordination plus étroite. L’intégration de la prévention et du traitement de l’émaciation aux stratégies de réduction du retard de croissance bénéficie d’un fort engagement politique et d’un niveau d’activités en hausse au Pakistan. À l’échelle fédérale, un nouveau plan quinquennal de lutte contre le retard de croissance incorporant des activités de prise en charge de l’émaciation a été lancé. Celui-ci s’étendra sur la période 2020-2025 et ciblera 35 % des habitants du Pakistan, notamment les plus pauvres. Afin d’accélérer l’obtention de résultats, une étude complète du secteur de la nutrition dans le pays et dans les provinces est actuellement en cours de planification. L’objectif est d’orienter l’élaboration d’une politique nationale de nutrition et d’une approche de programmation des activités afin de parvenir à une prise en charge plus globale et plus coordonnée de toutes les formes de malnutrition au cours du cycle de vie.

Contexte

La forte prévalence de toutes les formes de malnutrition chez les groupes de population vulnérables est un problème majeur au Pakistan. Les troubles liés à la sous-nutrition (retard de croissance et émaciation), le surpoids ou l’obésité ainsi que les carences en micronutriments, de façon individuelle ou combinée, ont de lourdes conséquences sur les jeunes enfants et les femmes en âge de procréer du pays. Le Pakistan présente le nombre le plus élevé au monde d’enfants souffrant d’un retard de croissance après l’Inde et le Nigéria. Ce trouble touche plus de 40 % des enfants âgés de moins de cinq ans du pays (soit 12 millions d’enfants), dont 17,7 % souffrent d’émaciation. On estime également que 2,5 millions d’enfants âgés de moins de cinq ans sont atteints d’émaciation sévère (gouvernement du Pakistan, 2018). Le Pakistan est l’un des premiers pays au monde à s’être engagé, dans le cadre des objectifs de développement durable, à atteindre les cibles définies par l’Assemblée mondiale de la Santé, qui consistent en une réduction de 40 % du nombre d’enfants de moins de cinq ans présentant un retard de croissance ainsi qu’une réduction et un maintien au-dessous de 5 % de l’émaciation chez les enfants. La situation ne s’améliore toutefois que lentement et le Pakistan est loin d’atteindre ces objectifs. Depuis 2001, la prévalence du retard de croissance n’a enregistré qu’une baisse minime (égale à un taux de réduction annuel moyen de 0,4 %), tandis que le taux d’émaciation a augmenté pour passer de 12,5 % en 1990 à 17,7 % en 2018 (gouvernement du Pakistan, 2018).

Les liens entre émaciation et retard de croissance

Des recherches mondiales visent actuellement à recueillir des données sur le lien de cause à effet direct entre l’émaciation et le retard de croissance ainsi qu’à étudier la relation entre ces deux troubles de la sous-nutrition (Groupe d’inteéreˆt technique Eémaciation-Retard de croissance, WaSt TIG, 2018). Une quantité croissante de données suggèrent que l’émaciation est une cause directe du retard de croissance, des études démontrant qu’avoir traversé des périodes d’émaciation au cours de l’enfance augmente le risque de présenter un retard de croissance ultérieurement (Richard et al., 2012 ; Schoenbuchner et al., 2018). Certaines études indiquent également que la croissance en taille des enfants émaciés est ralentie tant que leur poids n’est pas rétabli (Briend et al., 2014). Les enfants souffrant à la fois d’émaciation et d’un retard de croissance sont confrontés à un risque de décès élevé comparable à celui des enfants sévèrement émaciés, ce qui rend la combinaison de ces deux troubles particulièrement problématique (WaSt TIG, 2018).

D’après les estimations du gouvernement du Pakistan (2018), 5,9 % des enfants de moins de cinq ans du pays souffrent à la fois d’émaciation et d’un retard de croissance, la présence simultanée de ces troubles étant la plus fréquente dans les zones rurales (6,8 %), chez les enfants dont la mère n’a reçu aucune instruction (7,7 %) et parmi les ménages du quintile le plus pauvre (10,7 %). On constate également qu’une proportion légèrement plus importante de garçons (6,5 %) que de filles (5,4 %) souffrent simultanément d’émaciation et d’un retard de croissance. Concernant la répartition géographique, le taux d’enfants souffrant à la fois d’émaciation et d’un retard de croissance est le plus élevé dans la province du Sind (10,0 %), puis dans celles du Baloutchistan (6,5 %), du Pendjab (4,3 %) et enfin du Khyber Pakhtunkhwa (3,7 %).

Plusieurs analyses ont mis en évidence des facteurs de risque communs à l’émaciation et au retard de croissance au Pakistan, parmi lesquels on peut citer la malnutrition maternelle (insuffisance pondérale ou petite taille) et des problèmes liés à la qualité de l’eau ou de l’assainissement (Kim et al., 2017 ; Harding, Aguayo et Webb, 2018). La répartition par âge de l’émaciation et du retard de croissance diffère, mais il existe des causes communes et ces deux formes de malnutrition peuvent être présentes dès la naissance et perdurer conjointement au cours de la première année de vie. Le taux élevé d’enfants souffrant simultanément d’un retard de croissance et d’émaciation dans les districts où de nombreuses mères présentent une insuffisance pondérale (indice de masse corporelle inférieur à 18,5 kg/m2) laisse supposer que l’état de santé des mères joue un rôle majeur dans l’apparition d’un retard de croissance au cours de la petite enfance et que les stratégies intégrées de prévention et de prise en charge devraient cibler les femmes enceintes et les nourrissons (gouvernement du Pakistan, 2018).

La sous-nutrition est très fortement répandue parmi les femmes en âge de procréer du pays. L’enquête nationale sur la nutrition de 2018 indique que 42,7 % des femmes sont anémiques et que le taux de prise des suppléments en fer et en acide folique distribués est faible (gouvernement du Pakistan, 2018)1. De plus, 14,4 % des femmes présentent une insuffisance pondérale et le taux de prévalence du surpoids et de l’obésité est passé de 28 % en 2011 à 38 % en 2018. Les pratiques en matière d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant sont également sous-optimales au Pakistan. Moins de la moitié des mères (45 %) effectuent une mise au sein preécoce et environ la moitié (48 %) seulement des enfants âgés de moins de six mois sont exclusivement allaités. Un nourrisson âgé de 6 à 8 mois sur trois uniquement bénéficie d’une alimentation complémentaire, tandis que seulement 3,6 % des enfants de 6 à 23 mois reçoivent des aliments complémentaires conformes à un apport alimentaire minimum acceptable (gouvernement du Pakistan, 2018).

Ces données suggèrent l’existence d’un continuum de la sous-nutrition durant le cycle de vie au Pakistan, la sous-nutrition chez les mères étant étroitement liée à celle qui touche leurs enfants. Le lien entre sous-nutrition maternelle et infantile se manifeste à travers la forte prévalence de l’insuffisance pondérale à la naissance dans le pays (20 %). Les causes de la sous-nutrition préalables à la naissance induisent en effet un taux élevé d’enfants nés en souffrant déjà d’émaciation et d’un retard de croissance. Ces troubles sont consécutivement aggravés par les mauvaises pratiques d’alimentation et de soin du nourrisson adoptées après l’accouchement. Au Pakistan en particulier, l’émaciation et le retard de croissance sont visibles avant l’âge de six mois chez plus de la moitié des enfants, et se révèlent chez la majorité du reste des enfants touchés entre 24 et 36 mois (gouvernement du Pakistan, 2018).

Le faible taux de couverture des services de traitement de l’émaciation en cause dans le retard de croissance

En dépit de la mise en œuvre de programmes provinciaux de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) destinés à lutter contre l’émaciation sévère au Pakistan, le taux de couverture des services de prise en charge demeure inférieur à 5 %. Cette situation est largement due au fait que la programmation d’activités de PCMA était jusqu’à il y a peu dictée par l’urgence et ne bénéficiait que de financements à court terme et imprévisibles. Le manque d’intégration des services de prise en charge de l’émaciation au système de santé ordinaire, en particulier dans les contextes d’aide au développement, est également une cause majeure du faible taux de couverture. Des efforts visent actuellement à remédier à ce dernier problème en mettant en œuvre des services de prise en charge de l’émaciation par le biais d’un ensemble d’agents de santé employés par le gouvernement : les femmes agents de santé. Le recours aux femmes agents de santé pour le traitement de l’émaciation est exposé en détail dans un autre article de ce numéro de Field Exchange.2

Un autre élément contribuant au faible niveau d’investissement dans la prise en charge de l’émaciation au Pakistan est l’élan international de renforcement de la programmation d’interventions nutritionnelles multisectorielles en vue de réduire les taux de retard de croissance, porté par le mouvement Scaling up Nutrition (SUN). Bien que cette initiative ait aidé à faire de la lutte contre le retard de croissance l’une des priorités politiques nationales au Pakistan, elle a également entraîné une sorte de  « division » des intérêts qui a contribué à l’élaboration de politiques et de programmes distincts en matière d’émaciation et de retard de croissance. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le retard de croissance (programmes sensibles aux questions de nutrition) et l’émaciation (programmes spécifiques aux questions de nutrition) relèvent de l’autorité de différentes instances gouvernementales.3 Cette séparation est aggravée par l’idée historiquement ancrée que l’émaciation est un problème à court terme dont les conséquences peuvent être rapidement effacées au moyen du bon traitement. En réalité, de nombreux enfants du pays traversent des périodes d’émaciation répétées ou de longue durée au cours de leurs premières années de vie, ce qui augmente le risque de retard de croissance ou de décès. Étant donné le lien étroit qui existe entre l’émaciation et le retard de croissance au Pakistan, l’incapacité à fournir des services de prise en charge à la majorité des enfants émaciés contribue très probablement à la forte prévalence du retard de croissance dans le pays.

Le fait que la prévention et le traitement de l’émaciation constituent des composantes essentielles des activités promouvant la bonne croissance et le développement sain des enfants est de plus en plus admis au Pakistan. L’émaciation et le retard de croissance devraient donc faire l’objet d’une vision commune. Il est également nécessaire d’intégrer la prévention et le traitement de l’émaciation aux interventions de prévention du retard de croissance dans tous les contextes (qu’il s’agisse d’aide humanitaire ou de développement) où l’émaciation est une réalité afin de parvenir à réduire les taux de retard de croissance et de mortalité.

Stratégies et programmes de lutte contre le retard de croissance au Pakistan

Dans le cadre général de sa stratégie multisectorielle en matière de nutrition pour la période 2018-2025, le Pakistan a élaboré des stratégies à l’échelle fédérale et provinciale en matière de réduction du taux de retard de croissance ainsi que de prise en charge de l’émaciation et de nutrition maternelle et adolescente. La stratégie a été conçue dans le but de doubler le taux de réduction annuel moyen du retard de croissance actuel (de 0,5 % à 1 %) et d’en réduire ainsi la prévalence de 40 % en 2018 à 33 % en 2025. Dans la droite ligne de cette stratégie, toutes les provinces du pays se sont dotées d’un programme d’intervention multisectorielle et procèdent, dans des mesures variables, à sa mise en œuvre. Les secteurs ciblés incluent généralement la santé, l’agriculture, la pêche et l’élevage, l’éducation, le bien-être de la population, la protection sociale et l’eau, l’assainissement et l’hygiène (EAH). Les sections ci-dessous détaillent les activités prévues par secteur ainsi que les plans adoptés à l’échelle des provinces.

Secteur de la santé : L’infrastructure de services de santé du gouvernement sert actuellement à la mise en œuvre d’interventions nutritionnelles choisies constituant un ensemble de services de base fournis aux femmes et aux enfants. Les interventions menées comprennent l’apport d’une supplémentation en fer et en acide folique aux femmes enceintes, l’administration de traitements antiparasitaires aux enfants, la distribution de suppléments en vitamine A, la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère (MAS) ainsi que la sensibilisation à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) et à l’utilisation de poudres de micronutriments multiples. Ces différentes activités sont conduites dans le cadre de programmes provinciaux de nutrition limités dans le temps et dont le fonctionnement vertical repose sur un ensemble spécifique de travailleurs œuvrant parallèlement au système de soins de santé primaires. L’intégration complète de ce système aux services de soins de santé primaires (fournis par les femmes agents de santé) est en cours4. Il s’agit d’un élément essentiel à la mise en place de services de prévention et de traitement de l’émaciation de couverture nationale ainsi qu’à l’obtention de résultats significatifs en matière de réduction du taux de retard de croissance. 

Secteur de la protection sociale : Établi dans le cadre de l’initiative Ehsaas, le programme Benazir de complément de revenu est le plus important système fédéral de protection sociale sensible aux questions de nutrition. Lancé en 2008, il cible 5,7 millions des habitants les plus pauvres et les plus vulnérables du Pakistan. Le programme Benazir est un système national de transferts monétaires conditionnels visant à améliorer l’état nutritionnel et de santé de la population au moyen de la réduction du retard de croissance. Les familles bénéficiaires de transferts en espèces sont encouragées à adopter un meilleur régime alimentaire au moyen d’activités de conseil en matière de nutrition (bien que celles-ci demeurent jusqu’à présent une composante relativement peu aboutie du programme). Le gouvernement a entamé les premiers efforts d’intégration de ces activités au système public de santé et à l’infrastructure de services par le biais des femmes agents de santé. « Ehsas Nashwonuma », un programme de transferts monétaires conditionnels lié à la santé et à la nutrition, a récemment été lancé pour lutter contre le retard de croissance chez les enfants de moins de 23 mois des districts présentant un nombre élevé d’enfants touchés. Financé par le gouvernement pakistanais, il est mis en œuvre par le Programme alimentaire mondial à travers les établissements sanitaires existants.

Secteur EAH : À l’échelle fédérale et pour presque toutes les provinces, les stratégies multisectorielles de lutte contre le retard de croissance comprennent des interventions relatives à l’EAH. Elles visent principalement à promouvoir l’adoption de bonnes pratiques d’hygiène, l’accès et le recours à des sources d’eau potable et l’élimination de la défécation à l’air libre dans les villages au moyen d’initiatives d’assainissement total piloté par les communautés. Certaines provinces, notamment celles du Sind et du Pendjab, incluent également dans leur plan pour le secteur EAH des objectifs tels que la réduction de la prévalence des maladies diarrhéiques et le renforcement des pratiques alimentaires sûres et hygiéniques. Le déploiement de ces programmes est toutefois actuellement limité à quelques zones géographiques. 

Secteur de l’agriculture et des moyens d’existence pour améliorer l’accès à des denrées alimentaires : Des interventions sensibles aux questions de nutrition telles que la promotion des jardins familiaux, de la plantation d’arbres fruitiers, de l’agriculture ainsi que de la pêche et de l’élevage sont incluses dans la stratégie multisectorielle en matière de nutrition et reprises dans les plans propres aux secteurs. Il est nécessaire de renforcer la part accordée aux approches fondées sur les moyens d’existence et l’alimentation ainsi que d’identifier et de mettre en œuvre les possibilités de synergie existantes afin d’assurer et de faire perdurer la complémentarité des activités menées.

Secteur de l’éducation : Les acteurs des secteurs de l’éducation et de la santé collaborent à la mise en œuvre d’interventions nutritionnelles ciblant les adolescentes et les enfants en âge d’aller à l’école. Les directives nationales sur la nutrition et la supplémentation des adolescents ainsi que la stratégie nationale en matière de nutrition adolescente indiquent que toutes les filles adolescentes devraient recevoir des comprimés de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique. Cet objectif est intégré au programme de nutrition du Pakistan et de certaines provinces, et une étude pilote visant à évaluer sa pertinence, les difficultés qu’il pose et les goulots d’étranglement rencontrés est en cours dans un district. 

Afin de s’assurer que la réduction du retard de croissance est incorporée à la planification des activités par secteur, le secrétariat de la province du Khyber Pakhtunkhwa pour le mouvement SUN a établi une liste de critères de nutrition généraux (figure 1) et sectoriels (figure 2) à l’usage des autorités provinciales dans le cadre de l’évaluation des demandes de financement de projets. Ces critères en matière de nutrition ne sont jusqu’à présent employés qu’au Khyber Pakhtunkhwa, mais il est prévu d’étendre leur utilisation à d’autres provinces.

Figure 1 : Règles générales et critères en matière de nutrition – Gouvernement du Khyber Pakhtunkhwa, Pakistan

Figure 2 : Critères de nutrition sectoriels – Gouvernement du Khyber Pakhtunkhwa, Pakistan

Possibilités de coordination des initiatives de lutte contre le retard de croissance et l’émaciation

Bien que les provinces disposent de stratégies multisectorielles et de plans consacrés à la prise en charge de l’émaciation comme du retard de croissance, les nouvelles compétences qui leur ont été déléguées par le gouvernement ont entraîné une fragmentation des activités par programmes, projets et zones géographiques. Aucun ensemble complet intégré d’interventions de lutte simultanée contre l’émaciation et le retard de croissance quel que soit le contexte n’a encore été défini. L’enquête nationale sur la nutrition de 2018 ayant clairement démontré la concomitance de l’émaciation et du retard de croissance, les décideurs et responsables de la programmation nationaux comprennent à présent qu’il est grand temps de remédier à ce problème et d’explorer activement les perspectives d’optimisation des efforts d’intégration de la prévention et du traitement de l’émaciation aux programmes de lutte contre le retard de croissance actuels. Les provinces, qui disposent d’une certaine marge de manœuvre pour coordonner la programmation des interventions relatives au retard de croissance et à l’émaciation, ont enregistré quelques progrès tels que décrits dans l’encadré 1.

À l’échelle fédérale, un programme provincial de nutrition intitulé « Lutter contre le retard de croissance causé par la malnutrition au Pakistan » a été lancé pour la période 2020-2025. En concertation avec les provinces et en raison de la prévalence élevée de l’émaciation dans le pays, le programme, qui était à l’origine une initiative de prévention du retard de croissance, a été modifié pour inclure une forte composante de prise en charge de l’émaciation. Ce programme provincial de nutrition cible environ 35 % de la population du pays et est destiné aux communautés les plus pauvres, les plus défavorisées et les plus difficiles à atteindre. Son coût est d’environ 2 milliards de dollars US pour cinq années de mise en œuvre.

Afin d’accélérer les progrès obtenus jusqu’à ce jour, une étude complète du secteur de la nutrition dans le pays et dans les provinces est en cours de planification. L’objectif est d’orienter l’élaboration d’une politique nationale de nutrition construite sur un consensus ainsi que d’une approche programmatique standardisée pour les interventions nutritionnelles afin de parvenir à une prise en charge plus holistique et plus coordonnée de toutes les formes de malnutrition. Ces efforts seront dirigés par le ministère de la Réglementation et de la coordination des services de santé nationaux et le ministère de la Planification, du développement et des réformes, qui recevront le soutien technique de l’UNICEF. Leur succès reposera notamment sur l’adoption d’une approche claire en matière d’amélioration de l’état nutritionnel des femmes enceintes et des adolescentes, la bonne coordination et participation des parties prenantes ainsi que la mise en place de mécanismes de supervision centrale et de suivi efficace. L’instance idéale de mise en œuvre de ces activités est le Conseil national de coordination des interventions nutritionnelles du Pakistan, placé sous l’autorité du secrétariat du premier ministre. La direction générale pour la santé de chaque province et le ministère de la Réglementation et de la coordination des services de santé nationaux rendent actuellement compte des progrès obtenus auprès du Conseil national de coordination des interventions nutritionnelles, ce qui en fait une plateforme d’harmonisation des activités naturellement désignée. Le ministère des Finances et la commission de planification doivent être inclus dans le processus afin que les activités en matière de nutrition à l’échelle fédérale, régionale et provinciale bénéficient de financements adéquats.

Encadré 1 : initiatives et possibilités actuelles de coordination de la programmation de la lutte contre l’émaciation et le retard de croissance dans les provinces

Au Pendjab, un programme provincial de nutrition inclut des interventions spécifiques aux questions de nutrition telles que la prise en charge de la MAS, des activités relatives à l’ANJE ainsi que la distribution de suppléments en micronutriments multiples aux enfants et aux femmes enceintes et allaitantes. Ces interventions sont mises en œuvre au moyen du programme intégré pour la santé reproductive et la santé et la nutrition maternelles, néonatales et infantiles, qui est le plus important programme à fournir des services nutritionnels dans tous les districts de la province. Parallèlement, le programme de réduction du retard de croissance mené par le ministre principal du Pendjab comporte un ensemble similaire d’interventions spécifiques et sensibles aux questions de nutrition couvrant les secteurs de l’EAH, de l’éducation, de la protection sociale et de la sécurité alimentaire. Il est mené dans les sept districts du sud de la province qui présentent le taux le plus élevé de retard de croissance. Ces deux programmes phares font actuellement l’objet de très peu d’efforts de coordination et de mise en relation dans la province.

Au Khyber Pakhtunkhwa, la prestation de services de santé est en cours d’intégration dans 25 districts dans le cadre d’un programme provincial de nutrition. L’intégration vise des services axés sur la santé et la nutrition maternelles et infantiles, le programme relatif aux femmes agents de santé, le traitement de l’émaciation et l’élargissement du programme de vaccination. Le taux de couverture atteint n’est toutefois que d’environ 20 %, les ressources humaines et financières nécessaires à un déploiement à plus grande échelle n’étant pas disponibles. Un programme de nutrition multisectoriel nommé « KP SPRING » a récemment été lancé au Khyber Pakhtunkhwa. Ses objectifs sont de réduire la prévalence du retard de croissance dans le sud de la province et d’atteindre un taux de couverture des services d’environ 50 %. Ce programme comprend une série d’interventions spécifiques aux questions de nutrition englobant des activités de conseil en matière d’ANJE, la distribution de suppléments en micronutriments multiples et en zinc aux enfants, la supplémentation en fer et en acide folique des femmes enceintes et des services de conseils nutritionnels. Il comporte également des interventions sensibles aux questions de nutrition incluant les secteurs d’action gouvernementale suivants : agriculture, pêche et élevage, bien-être de la population, éducation, ingénierie de la santé publique, gouvernance locale, développement rural et protection sociale. La coordination entre le programme de nutrition multisectoriel et celui de traitement de l’émaciation (qui est en cours d’intégration aux services de santé) est réduite en raison du peu de zones géographiques de mise en œuvre qui leur sont communes.

Au Sind, un plan d’action accéléré multisectoriel mis œuvre sur dix ans visant la réduction des taux de retard de croissance et de malnutrition comprend des interventions sensibles et spécifiques aux questions de nutrition. Huit secteurs sont concernés. Dans les districts ciblés par le plan d’action accéléré, environ 58 % des établissements sanitaires disposent d’un programme de traitement ambulatoire des enfants atteints d’émaciation sévère. Selon les estimations, le taux de couverture des services de traitement de l’émaciation modérée chez les enfants et les femmes enceintes et allaitantes fournis dans le cadre du programme d’alimentation supplémentaire ciblé mené par le Programme alimentaire mondial dans la province n’est que de 3,6 %.

Au Baloutchistan, 13 districts mettent en œuvre des interventions face à des situations d’urgence ou en cas de sécheresse. Environ 13 % des établissements sanitaires fournissent des services de traitement de la MAS ainsi que de sensibilisation et de soutien à l’ANJE. Le dernier programme provincial de nutrition ayant pris fin en décembre 2019, il n’existe quasiment pas de programmes de nutrition financés par le gouvernement dans la province. Des initiatives en faveur de la réduction du retard de croissance lancées par des partenaires sont mises en œuvre dans quelques zones géographiques. Le financement des programmes de réduction de l’émaciation et du retard de croissance provient d’acteurs externes et dépend de la survenue de situations d’urgence. 

Le Gilgit-Baltistan a récemment approuvé un programme provincial de nutrition à base communautaire destiné à tous les districts et comprenant majoritairement des interventions nutritionnelles préventives.

Outre les programmes de nutrition de chaque province, des programmes de nutrition financés par des donateurs sont actuellement mis en œuvre au Sind, au Khyber Pakhtunkhwa et au Baloutchistan. Le taux de couverture atteint par les services est variable.

Conclusions

Le Pakistan est confronté à la triple charge de l’émaciation, du retard de croissance ainsi que du surpoids et de l’obésité infantiles. Le pays doit progressivement abandonner l’approche verticale traitant séparément chaque forme de malnutrition afin d’évoluer vers la prise en charge de tous les enfants dont la croissance ne se déroule pas de manière optimale. Les décideurs doivent tenir compte de tout l’éventail des problèmes de croissance et élaborer des programmes à grande échelle qui luttent à la fois contre l’émaciation et le retard de croissance, tout en élargissant leur portée à la réduction du surpoids et de l’obésité chez les enfants. Le Pakistan n’a pas encore utilisé les données de l’enquête nationale sur la nutrition pour se doter d’une politique nationale de nutrition, élément pourtant indispensable à l’accélération des progrès. Un autre facteur important est l’intégration des services de prise en charge de l’émaciation dans le système de soins de santé primaires afin de permettre leur déploiement à grande échelle et l’augmentation du taux de couverture dans tout le pays. Les activités menées en la matière doivent être coordonnées avec les stratégies multisectorielles de réduction du retard de croissance dans le but d’optimiser les efforts de lutte contre les causes multiples de ces deux types de sous-nutrition au Pakistan.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Saba Shuja à l’adresse sshuja@unicef.org


1 Environ 32,9 % des femmes ont reçu des suppléments en fer et en acide folique au cours de leur grossesse. Parmi celles-ci, 67,2 % ne se sont pas supplémentées, 22 % l’ont fait pendant 90 jours ou plus, 5,8 % pendant moins de 60 jours et 5 % pendant 60 à 89 jours.

2 Voir l’article intitulé « Intégration d’interventions nutritionnelles essentielles dans les services de soins de santé primaires du Pakistan en vue de prévenir et traiter l’émaciation : l’histoire d’une transformation ».

3 Le ministère de la Réglementation et de la coordination des services de santé nationaux est l’autorité chargée des programmes spécifiques aux questions de nutrition.

4 Voir l’article de ce numéro intitulé « Intégration d’interventions nutritionnelles essentielles dans les services de soins de santé primaires du Pakistan en vue de prévenir et traiter l’émaciation : l’histoire d’une transformation ».


Références

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Gouvernement du Pakistan, ministère de la Réglementation et de la coordination des services de santé nationaux, département de la nutrition (2018). Enquête nationale sur la nutrition 2018.

Harding, K. L., Aguayo, V. M., et Webb, P. (2018), « Factors associated with wasting among children under five years old in South Asia: Implications for action ». PLoS ONE, vol. 13, no 7 : e0198749. Disponible à l’adresse suivante : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0198749

Kim, R., Mejía-Guevara, I., Corsi, D.J., Aguayo, V.M. et Subramanian, S.V. (2017), « Relative importance of 13 correlates of child stunting in South Asia: Insights from nationally representative data from Afghanistan, Bangladesh, India, Nepal, and Pakistan ». Social Science & Medicine, vol187, 144e154.

Richard, S. A., Black, R. E., Gilman, R. H., Guerrant, R. L., Kang, G., Lanata, C. F., et al. (2012), « Wasting is associated with stunting in early childhood ». J Nutr. 2012 ; vol. 142, no 7 : 1291-6. doi : 10.3945/jn.111.154922. PubMed PMID : 22623393 ;PubMed Central PMCID : PMCPMC3374667.

Schoenbuchner, S., Dolan, C., Mwangome, M., Hall, A,. Richard, S., Wells, J., et al. (2018), « The relationship between wasting and stunting: A retrospective cohort analysis of longitudinal data in Gambian children from 1976-2016 ». En cours de soumission (2018).

Groupe d’inteéreêt technique Émaciation-Retard de croissance (WaSt TIG) (2018) « Child wasting and stunting: Time to overcome the separation ». Disponible à l’adresse suivante : www.ennonline.net/resources/timetoovercometheseparation

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