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Programmes d’alimentation de complément dans les situations d’urgence – Étude de cas au Yémen

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Ceci est l'une des quatre études de cas de cette section spéciale de FEX qui souligne l'importance d'une analyse contextuelle solide pour guider la conception, la mise en œuvre et le suivi appropriés des actions et des interventions, la collaboration et l'intégration intersectorielles, et la preuve de concept des initiatives localisées qui ont le potentiel d'être étendues au niveau national. 

Karin Christianson est spécialiste de la nutrition dans les contextes humanitaires à USAID Advancing Nutrition.

Alison Donnelly est une spécialiste indépendante en nutrition/ANJE.

Kavita Sethuraman est la directrice de la nutrition dans les contextes humanitaires à USAID Advancing Nutrition.

Introduction

Cette étude de cas a examiné le programme d’alimentation de complément mis en œuvre au Yémen entre 2017 et 2022. On a pu constater l’existence d’un large éventail d’approches d’alimentation de complément, malgré les difficultés rencontrées par de nombreuses familles pour accéder à des aliments de complément adéquats.

Contexte de programmation

Le Yémen continue d’être confronté à la plus grave crise humanitaire du monde. En 2014, des insurgés ont pris le contrôle de Sanaa, la capitale du Yémen. En mars 2015, une coalition de pays du Golfe a lancé une campagne d’isolement économique et de frappes aériennes contre les groupes d’insurgés. Le pays est désormais divisé en deux zones contrôlées par le gouvernement du Yémen, reconnu par la communauté internationale et basé à Aden, et par le gouvernement autoproclamé basé à Sanaa, qui abrite environ 70 % de la population. En 2020, le Yémen occupait la 179e place sur 181 pays dans l’indice de développement humain, une mesure synthétique des résultats obtenus dans les principales dimensions du développement humain. Si les combats se poursuivent tout au long de l’année 2022, le Yémen devrait également être classé parmi les pays les plus pauvres du monde (OCHA, 2021).

L’insécurité alimentaire et la malnutrition sont les plus graves dans les zones de conflit actif et les zones environnantes où l’accès humanitaire est limité par les conditions de sécurité. Le Secteur nutrition au Yémen est dirigé par le Ministère de la santé et de la population qui copréside la coordination humanitaire par le biais du Cluster nutrition avec l’UNICEF auprès des gouvernements de Sanaa et d’Aden. Le Cluster nutrition est responsable de la hiérarchisation des activités de nutrition humanitaire (y compris l’alimentation de complément), ainsi que de la stratégie et du financement, dans le plan d’intervention humanitaire qui couvre l’intervention sous les deux gouvernements.

En raison du risque de famine de ces dernières années, les activités de nutrition se concentrent sur les services perçus comme vitaux, tels que la prise en charge de l’émaciation et la garantie d’une sécurité alimentaire minimale pour les ménages. La mise en œuvre d’actions multisectorielles visant à améliorer l’alimentation de complément par le biais du Plan d’action intersectoriel de nutrition est limitée sous les deux gouvernements.

Analyse de situation nutritionnelle : Facteurs et déterminants de l’alimentation des jeunes enfants

Si l’aperçu des besoins humanitaires ne comporte pas d’analyse détaillée de l’alimentation de complément, il inclut des conclusions sur la diversité alimentaire, le rapport 2022 recommandant des actions multisectorielles pour favoriser une meilleure nutrition.

Selon les enquêtes SMART menées en 2021, 45 % des enfants âgés de 6 à 59 mois souffrent d’un retard de croissance, tandis que 10 % souffrent d’émaciation (MPHP, 2022). Les taux d’émaciation atteignent 25 % dans la période de 6 à 12 mois, ce qui tend à signaler de très mauvaises pratiques dans la phase initiale de l’alimentation de complément. Au Yémen, seul un enfant sur dix âgé de 6 à 23 mois bénéficie d’un régime alimentaire adéquat pendant la période d’alimentation de complément, et seulement 12 % d’entre eux bénéficient d’un apport alimentaire minimal acceptable. Les niveaux élevés de pauvreté, la flambée des prix des denrées alimentaires, le faible accès aux services et les contraintes qui pèsent sur la vie quotidienne des femmes, telles que la restriction des déplacements et les difficultés d’accès aux services financiers, sont autant d’obstacles à l’observation des pratiques recommandées en matière d’alimentation de complément. Un manque de connaissances sur les comportements adaptés à l’âge et un manque d’interaction avec les enfants pendant les repas ont également été soulignés comme étant des obstacles à une pratique appropriée (Busquet, 2018).

Interventions et actions visant à améliorer l’alimentation des jeunes enfants

Les actions visant à améliorer l’alimentation des jeunes enfants se concentrent principalement sur le secteur de la santé. Il s’agit notamment de conseils individuels dispensés par des agents de santé publics, de groupes de soutien aux mères et de séances de promotion de la nutrition, d’échanges d’informations sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, de démonstrations culinaires/cuisines communautaires et de compléments alimentaires sous forme de micronutriments en poudre. Parmi les exemples de programmes menés en dehors du secteur de la santé, citons les jardins potager à domicile et la distribution de semences, d’outils et d’animaux, ainsi que les écoles d’agriculture de terrain qui rassemblent un groupe d’agriculteurs au sein d’une formation pratique visant à améliorer les pratiques de production durable prenant en compte la nutrition, la promotion de la farine composée1, les programmes d’alimentation de complément non ciblés, la promotion de l’hygiène intégrée aux séances de sensibilisation des femmes enceintes et allaitantes à l’ANJE, l’aide financière conditionnelle en espèces pour la nutrition (il est recommandé d’utiliser des espèces pour acheter des aliments nutritionnels avec une exigence souple de participation aux séances de sensibilisation et de formation) et l’aide alimentaire en nature.

Les principaux canaux de prestation de services étaient le système de santé, soutenu par des organisations non gouvernementales (bien que le gouvernement recrute du personnel), et le système alimentaire. Les activités de valorisation de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène étaient souvent intégrées aux interventions d’ANJE et de la santé. Les systèmes de protection sociale ont également été utilisés pour cibler les familles les plus vulnérables, mais ils n’ont pas été intégrés aux activités de communication pour le changement de comportement et de normes sociales visant à promouvoir une alimentation de complément appropriée. L’aide alimentaire en espèces et en nature était remise au chef de famille qui, dans la plupart des cas, était un homme. Toutes les activités de communication pour le changement de comportement et de normes sociales en matière de nutrition étaient généralement destinées aux femmes responsables de l’enfant.

Suivi, évaluation, apprentissage et résultats

Le suivi des indicateurs pour l’alimentation de complément est inclus dans le Plan d’action intersectoriel de nutrition, mais les systèmes d’information nationaux ne collectent pas actuellement d’informations pour la plupart de ces indicateurs (TASC, 2021). La base de données du Cluster nutrition comprend quelques indicateurs de processus et assure le suivi du nombre d’enfants recevant une alimentation de complément, des interventions portant sur les micronutriments et des conseils en matière d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant.

Le suivi des résultats du secteur de la nutrition est complexe, car les programmes humanitaires à court terme ne disposent généralement pas d’évaluations de situations initiales et finales. Au lieu de cela, ils utilisent les résultats du programme de prise en charge de l’émaciation et les indicateurs au niveau des produits d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant tels que le nombre de personnes responsables de l’enfant recevant des conseils ou participant à des groupes de soutien.

Des enquêtes SMART périodiques recueillent les indicateurs d’ANJE. Le suivi est basé sur la réalisation d’une recommandation minimale (par exemple, donner au moins quatre groupes d’aliments) et ne suit généralement pas les progrès graduels (par exemple, si un enfant reçoit trois groupes d’aliments au lieu de quatre). Les informations concernant les résultats des programmes sur l’alimentation de complément sont limitées en raison de la nature éphémère de la plupart des programmes.

Les parties prenantes ont identifié des opportunités et des recommandations qui pourraient améliorer la programmation, notamment en plaidant pour que l’alimentation de complément soit considérée comme une question prioritaire, en améliorant la coordination entre les secteurs pertinents pour prendre en charge l’alimentation de complément de manière plus directe, en s’attaquant aux obstacles liés à son champ de connaissances et en analysant les changements de comportement progressifs.

Conclusion

En nous appuyant sur les directives opérationnelles de l’UNICEF et son cadre d’action pour documenter les interventions en matière d’alimentation de complément dans les situations d’urgence au Yémen, nous avons pu apprendre que, compte tenu de la complexité de la situation et des multiples défis auxquels sont confrontées les familles, une action multisectorielle est nécessaire pour améliorer l’alimentation.

En théorie, l’environnement politique du Yémen est propice à la mise en place d’actions multisectorielles visant à développer l’alimentation de complément par l’amélioration de l’allaitement maternel et la distribution d’aliments nutritionnels. Bien que de nombreuses politiques aient été élaborées au cours de la crise actuelle, dans la pratique, ces politiques ne sont pas considérées comme prioritaires par les donateurs, sont rarement reflétées dans les stratégies humanitaires et ne sont donc pas bien financées.

Pour modifier la tendance actuelle, il est nécessaire que les donateurs et les décideurs saisissent davantage l’importance d’une alimentation nutritionnelle pour les enfants âgés de 6 à 23 mois. La priorité de l’intervention humanitaire doit être équilibrée dans le but d’améliorer et d’étendre les mesures préventives en plus des services de nutrition d’ordre curatif. L’intégration à d’autres secteurs, tels que la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance, peut également permettre de faire davantage participer les hommes aux activités de communication pour le changement de comportement et de normes sociales.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Karin Christianson à l’adresse karin_christianson@jsi.com

Pour revenir à la vue d'ensemble de ces études de cas, et trouver les trois autres, veuillez cliquer ici

Références

Busquet E (2018) Barrier Analysis of Infant and Young Child Feeding and Maternal Nutrition Behaviors in Urban and Rural Yemen May 2018. (not publicly available).

IFE-CG (2020) Review of experiences and direction on Complementary Feeding in Emergencies (CFE): Putting policy into practice. https://www.ennonline.net/cfereviewreportmarch2020

MPHP (2022) The Summary Report of Nutrition and Mortality Surveys. Republic of Yemen Ministry of Public Health and Population and Central Statistical Organisation.

TASC (2021) Nutrition Information and Analysis Systems in Yemen Volume 1 Key Findings & Recommendations. Technical Assistance to Strengthen Capabilities (TASC) Project. https://www.humanitarianresponse.info/sites/www.humanitarianresponse.info/files/documents/files/tasc-review_nis_yemen-vol1-key_findings_and_recommendations-english-2021.pdf

OCHA (2021) Yemen Humanitarian Needs Overview 2021. https://reliefweb.int/report/yemen/yemen-humanitarian-needs-overview-2021-february-2021-enar

USAID (2022) Complementary Feeding in Emergencies Programming in Yemen: A Case Study on Improving the Diets of Young Children During the Complementary Feeding Period. To be published.


[1] La farine « shabiza » est une farine composée d’un mélange de sept types de céréales et de légumineuses, dont le blé, le maïs jaune, le sorgho, le millet et l’orge. Cette farine est fabriquée par des petites et moyennes entreprises du secteur privé, et vendue sur les marchés. Elle est destinée aux enfants en période d’alimentation de complément et est préconisée par les agents de santé communautaires bénévoles.

 

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