Zalire Yesaya and his wife Susanna Zalira show their groundnuts to Self Help Africa Project Officer Lovemore Chikale. Malawi

Intégration de la nutrition dans l’approche de l’école pratique d’agriculture : Expériences du Malawi

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Mary Corbett est conseillère nutrition globale à Self Help Africa en Irlande.

Virginia Mzunzu Kwizombe est une ancienne conseillère nutrition à Self Help Africa au Malawi.

Dalitso Baloyi est chercheur senior à DMT Consult à Lilongwe au Malawi.

Ulemu Priscilla Chiyenda est nutritionniste et chercheuse à DMT Consult au Malawi.

Les auteurs tiennent à remercier l’Union européenne, qui a financé le programme et la composante recherche qui y est associée.

Messages clés :

  • L’école pratique d’agriculture est une approche visant à renforcer les capacités techniques dans les communautés et à donner les moyens aux agriculteurs de faire les meilleurs choix quant aux cultures à privilégier en fonction du contexte local. Dans ce cadre, il est possible d’inclure la nutrition en tant que « sujet particulier ».
  • Une solide analyse de situation finale du programme quinquennal de Self Help Africa au Malawi indique que les efforts concertés visant une plus grande sensibilité générale de l’approche de l’école pratique d’agriculture aux questions de nutrition sont efficaces. Les participants membres d’une école pratique d’agriculture sont trois fois plus susceptibles de satisfaire à l’exigence de diversification alimentaire minimum que les participants non membres (OR = 3,592, p < 0,001).
  • Les besoins nutritionnels doivent faire partie intégrante de l’approche de l’école pratique d’agriculture, il importe de ne pas uniquement les considérer comme des « sujets particuliers ». Il a été déterminé que certaines activités étaient particulièrement utiles, notamment le renforcement de l’intégration sectorielle, l’utilisation de ressources spécifiques au contexte et d’adaptations, la prise en considération des normes de genre et l’intégration de l’analyse de marché.

Un projet amélioré

Le projet BETTER (pour Better Extension Training Transforming Economic Returns) a été mis en œuvre par Self Help Africa Malawi entre 2018 et 2022. Financé par l’Union européenne, le projet BETTER a été instauré dans 10 districts du Malawi : Chitipa, Karonga, Mzimba, Nkhatabay, Nkhotakota, Salima, Kasungu, Thyolo, Chiradzulu et Mulanje. La mise en œuvre du programme a été portée par un consortium de quatre organisations partenaires : Self Help Africa (organisation chef de file), Plan international Malawi, Action Aid Malawi et l’Evangelical Association of Malawi. L’objectif du projet était de renforcer la résilience et d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, tout en garantissant les moyens d’existence de 402 000 petits exploitants agricoles par l’intermédiaire de 13 400 écoles pratiques d’agriculture (encadré 1).

Le programme BETTER promeut une agriculture sensible à la nutrition en intégrant une éducation en matière de nutrition sur l’ensemble de la chaîne d’activités de l’école pratique d’agriculture. Cette approche a permis aux participants d’acquérir des connaissances quant à la manière de lier la production de cultures plus diversifiées, et l’amélioration des pratiques pendant et après les récoltes (notamment le stockage), à une meilleure utilisation de ces cultures, en utilisant des recettes et des démonstrations culinaires au niveau local. Cela facilite la diversification des régimes alimentaires pour une consommation plus durable.

Encadré 1. L’approche de l’école pratique d’agriculture (FAO, 2023)

L’approche de l’école pratique d’agriculture a vu le jour en Indonésie vers la fin des années 1980, à l’initiative de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en collaboration avec des parties prenantes nationales, notamment le ministère de l’Agriculture. L’école pratique d’agriculture offre une solution alternative aux approches descendantes, qui se sont souvent avérées inefficaces. Il s’agit d’une approche visant à renforcer les capacités techniques dans les communautés et à donner les moyens aux agriculteurs de faire les meilleurs choix quant aux cultures à privilégier en fonction du contexte. Les essais de cultures, utilisant différentes pratiques agricoles et actions de gestion des nuisibles, permettent aux agriculteurs de prendre de meilleures décisions quant aux cultures et aux variétés à privilégier, plutôt que ces décisions soient prises à un niveau central.

Dans le cadre de l’approche de l’école pratique d’agriculture, des groupes de 20 à 25 agriculteurs (en veillant à respecter une représentation équilibrée des genres) testent des pratiques locales conventionnelles pour la culture de variétés spécifiques, en comparaison avec des pratiques standard nationales/internationales sur une saison de plantation, avec un accent fort mis sur la gestion intégrée contre les nuisibles. Des réunions hebdomadaires sont organisées pour le suivi de ce qui fonctionne et ce qui échoue. Des cultures issues de différents sites d’essai (différentes variétés de semences, quantités d’engrais, cultures associées, différents types de techniques de gestion des nuisibles) sont examinées et des mesures sont effectuées pour le suivi de la croissance des cultures, des maladies qui les touchent et (en période de récolte) des rendements et de la qualité de ce qui est produit. Des registres sont tenus sur une base hebdomadaire et les résultats sont utilisés pour orienter les décisions prises par la suite. Au fil du temps, l’approche s’est élargie pour porter également sur des « sujets particuliers », tels que les questions de nutrition, du VIH et du genre, en fonction des contextes et des besoins. Actuellement, chaque réunion de l’école pratique d’agriculture comprend au moins trois activités : une analyse du système agroécologique, un « sujet particulier » et une activité en faveur de la dynamique de groupe. Dans le cadre du programme BETTER, bien que le principal centre d’intérêt soit les pratiques agroécologiques et que la nutrition ne soit considérée que comme un « sujet particulier », en règle générale, des efforts sont mobilisés pour que l’ensemble de l’approche prenne en compte de façon plus systématique les questions de nutrition.

Lorsqu’elle établit des écoles pratiques d’agriculture, la FAO endosse la responsabilité de former des « maîtres formateurs » et des animateurs issus de la communauté dans le cadre de l’approche. Les « maîtres formateurs », souvent des agents publics de formation technique agricole, soutiennent 30 animateurs issus de la communauté, qui forment chacun une école pratique d’agriculture. Les partenaires de mise en œuvre au niveau du district/de la communauté ont la responsabilité d’assurer une activité complémentaire de formation et le suivi des activités de l’école pratique d’agriculture, notamment la collaboration avec le personnel de différents ministères à l’échelle du district.

L’approche de Self Help Africa pour renforcer la place de la nutrition dans les programmes d’agriculture

Historiquement, la nutrition n’a jamais été intégrée aux programmes d’agriculture. Toutefois, ces dix dernières années, des études ont suggéré des conséquences positives à l’adoption d’une approche sensible à la nutrition par le secteur de l’agriculture, notamment en multipliant la quantité et en diversifiant les cultures nutritives produites, et en favorisant en parallèle une composante robuste de changement des comportements en matière de nutrition, afin d’améliorer la diversité des régimes alimentaires (Ruel et al., 2018). En conséquence, Self Help Africa entend inclure la nutrition dans la programmation de l’agriculture et des entreprises, autant que possible. Dans le cadre du programme des écoles pratiques d’agriculture BETTER au Malawi, des directives et des procédures opérationnelles standards d’agriculture sensible à la nutrition ont été élaborées. Le nutritionniste de Self Help Africa a assuré la sensibilisation et la formation pour le personnel interne, pour les partenaires de mise en œuvre, ainsi que pour leurs collègues du ministère de l’Agriculture, aux niveaux du district et de la région.

Dans le cadre du programme, l’éducation en matière de nutrition était axée sur la promotion de la diversification des cultures au moyen d’un calendrier de disponibilité des aliments (encadré 2), de la diversification alimentaire (par la promotion des six groupes alimentaires du Malawi) (ministère de la Santé, 2007), des pratiques améliorées d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, et de la budgétisation et de la planification alimentaires. La promotion de cultures à haute valeur nutritionnelle, telles que les arachides, les haricots, le soja et les patates douces à chair orange en constitue une composante clé essentielle à l’augmentation de la disponibilité d’aliments à plus haute valeur nutritionnelle pour les ménages et les communautés. Le programme fournit également des informations sur l’optimisation des rendements mesurée en termes de nutriments, sur la transformation alimentaire ainsi que des démonstrations culinaires, afin de garantir une meilleure utilisation des aliments (associant aliments et groupes alimentaires). Le programme promeut également des pratiques améliorées en matière d’hygiène, étant donné leurs liens avérés avec le statut nutritionnel (Shrestha et al., 2020), ainsi que des stratégies pour la gestion post-récolte grâce à l’amélioration du stockage.

Encadré 2. Calendrier de disponibilité des aliments

Lorsqu’il est rempli, le calendrier de disponibilité des aliments permet de déceler les déficits et les périodes de l’année pendant lesquelles les aliments de certains groupes alimentaires ne sont pas disponibles, ou seulement de manière limitée. Des discussions peuvent alors avoir lieu et des décisions peuvent être prises concernant la manière de combler ces déficits, en considérant, par exemple, quels aliments peuvent être cultivés pour réduire les déficits saisonniers.

Voici un exemple de calendrier de disponibilité des aliments rempli :

Méthodologie de recherche

Au cours de la quatrième année du programme, une étude a été menée par deux consultants externes, avec le soutien de Self Help Africa Malawi, en vue de comprendre dans quelle mesure les composantes en matière de nutrition étaient bien intégrées à l’approche de l’école pratique d’agriculture, de mesurer si l’assimilation des connaissances et des changements de comportement était réussie, et de déterminer quelles leçons pouvaient être tirées pour la programmation à l’avenir (Baloyi et al., 2022).

La recherche opérationnelle comprenait des approches mixtes pour collecter des données qualitatives et quantitatives. Des méthodes de recherche participative ont été utilisées, non seulement pour comprendre, dans leur ensemble, la fonctionnalité, la productivité, l’efficacité et les avantages à court et long termes sur la nutrition des écoles pratiques d’agriculture, mais aussi pour formuler des recommandations. Les données ont été collectées au moyen d’enquêtes auprès des ménages, d’entretiens avec les informateurs clés et de débats de groupes de discussion ventilés par genre.

Au total, un échantillon représentatif à l’échelle régionale de 225 participants membres d’une école pratique d’agriculture et de 76 participants non-membres était inclus dans cette étude menée dans le cadre du programme BETTER dans trois districts : Karonga, Thyolo et Salima. Les groupes de discussion comprenant des participants membres d’une école pratique d’agriculture n’ont eu lieu qu’à Kasungu et Mzimba Sud en raison de contraintes financières et logistiques. Une étude cas-témoins de conception semblable a été utilisée, dans laquelle des données ont été recueillies, analysées et interprétées pour les participants membres d’une école pratique d’agriculture (cas) par comparaison avec les données pour les participants non-membres d’une école pratique d’agriculture (témoins).

Efficacité de l’approche

Intégration de la nutrition dans le cadre des écoles pratiques d’agriculture

  • Dans les trois districts, l’ensemble des séances éducatives sur la nutrition étaient dispensées par des « maîtres formateurs » et des animateurs issus de la communauté, qui s’y connaissaient généralement mieux en agriculture (qu’en nutrition). L’implication des acteurs clés de la nutrition, tels que les professionnels de la santé et les chefs de file de cluster, était plutôt faible.
  • Des variations de fréquence et de durée des séances/sujets de formation ont été constatées, suivant les écoles pratiques d’agriculture concernées. Cela était largement dû aux expertises et intérêts respectifs des « maîtres formateurs » et des animateurs issus de la communauté, ainsi qu’au manque d’uniformité des programmes de ces écoles pratiques d’agriculture.
  • Pour ce qui est des dynamiques de genre, un écart a été observé entre les responsabilités et la charge de travail des femmes et des hommes, notamment en ce qui concerne la nutrition et la préparation des repas. Dans les cas pour lesquels existaient des bénéfices économiques potentiels, par exemple, dans le cadre de la fabrication de jus dans le district de Salima, les hommes accordaient un plus grand intérêt aux interventions.

« Parfois, pour certains plats en démonstration, il convient d’écraser des arachides pour le nsinjiro (assaisonnement), et ce n’est pas ce que nous, les hommes, avons l’habitude de faire. » - Groupe de discussion, Mkanakhoti, district de Kasungu

Incidence des écoles pratiques d’agriculture sur les résultats en matière de nutrition

« Nous avons acquis des connaissances sur les groupes alimentaires et les aliments que nous devrions manger pour avoir des régimes alimentaires équilibrés. » - Groupe de discussion, Mpata Karonga

  • Par rapport aux participants non-membres, dans les ménages des participants membres d’une école pratique d’agriculture, le taux d’adoption de meilleures pratiques en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène était élevé. Les participants membres d’une école pratique d’agriculture étaient plus susceptibles que les non-membres de posséder un jardin potager, du bétail, et d’avoir des arbres fruitiers à proximité de leur foyer.
  • Les participants membres d’une école pratique d’agriculture sont trois fois plus susceptibles de satisfaire à l’exigence de diversification alimentaire minimum que les participants non-membres (OR = 3,592, p < 0,001).
  • Une forte augmentation de la prise conjointe de décisions (par les femmes et par les hommes) a été constatée en ce qui concerne l’accès aux jardins potagers et leur surveillance, le choix des aliments consommés et la manière dont sont utilisées les recettes des ventes de cultures/bétail chez les participants membres d’une école pratique d’agriculture (63,1 %), par comparaison avec les participants non-membres (36,9 %).

Winaka Amina produces eggs commercially on her small farm in Balaka district. Malawi

Discussion

Malgré les liens complexes entre agriculture et nutrition, les données montrent que l’intégration d’une éducation à la nutrition et de la diversification des cultures dans les programmes d’agriculture est favorable à la diversification alimentaire et aux autres résultats en matière de nutrition (Pandey et al., 2016). Dans les communautés rurales en particulier, ce que l’on mange dépend de ce que l’on cultive. Ainsi, consolider ses connaissances concernant les cultures à privilégier et comment (et pourquoi) mieux récolter, stocker et utiliser les aliments devrait contribuer à accroître la diversification alimentaire des ménages.

Il ressort des conclusions du programme BETTER que les participants membres d’une école pratique d’agriculture étaient trois fois plus susceptibles de satisfaire à l’exigence de diversification alimentaire minimum que les participants non membres. Cependant ces résultats prometteurs sont à nuancer, car l’ensemble des conclusions est fondé sur des enquêtes auprès des ménages, et repose sur des informations rapportées plutôt qu’observées : les participants membres d’une école pratique d’agriculture sont plus enclins à rapporter ce qu’ils savent devoir manger que les participants non membres. Cela étant dit, les participants membres d’une école pratique d’agriculture disposent de connaissances plus approfondies en matière de bonnes pratiques relatives à la nutrition, à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène. Ils sont plus susceptibles d’avoir des jardins familiaux, des arbres fruitiers et leur propre bétail, autant de facteurs qui contribuent à l’amélioration de la diversification alimentaire.

À la lumière de notre expérience et des résultats d’une étude conduite en Ouganda et au Rwanda en 2014 (Nafula-Kuria, 2014), l’intégration de la nutrition à l’approche de l’école pratique d’agriculture reste encore limitée et contrainte. Les recommandations suivantes sont des étapes indispensables à mettre en place si l’on souhaite parvenir à de meilleurs résultats en matière de nutrition dans le cadre de cette approche.

S’assurer que la nutrition constitue une composante centrale du programme de l’école pratique d’agriculture

Actuellement, la nutrition est considérée comme un « sujet particulier » dans le cadre du programme de formation des écoles pratiques d’agriculture de la FAO, pourtant il conviendrait de lui accorder une plus grande considération pour en faire une composante centrale, puisque l’on dispose de données probantes suffisantes montrant les avantages de l’inclusion des questions de nutrition dans les programmes d’agriculture.

Plutôt que d’en faire une unité d’enseignement isolée , il serait bon d’intégrer la nutrition tout au long de la formation. Il est également important de souligner à quel point des pratiques agricoles améliorées, y compris l’agriculture adaptée aux changements climatiques[1], peuvent avoir des conséquences positives sur la nutrition. À titre d’exemple, des activités telles que la culture associée avec des légumineuses produisent des effets positifs sur la fertilité des sols et constituent également un avantage pour la nutrition humaine, grâce à l’accès facilité aux légumineuses, tant pour la consommation que pour la génération de revenus.

Renforcement de l’intégration du secteur

Pour que la nutrition devienne une composante essentielle de la formation des « maîtres formateurs » et des animateurs issus de la communauté, il pourrait être profitable d’élaborer, dans le cadre du programme principal de formation, des supports qui reposent sur les compétences techniques des ministères de la Santé en matière de santé, de nutrition, d’eau, d’assainissement et d’hygiène. Actuellement, au Malawi, le ministère de la Santé ne joue pas un rôle actif dans cette approche. Un engagement accru permettrait des améliorations dans l’intégration sectorielle.

Inclure une composante de base sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène dans l’éducation/la promotion de la nutrition a permis de faciliter l’adoption de ces pratiques chez les participants membres d’une école pratique d’agriculture.

Utiliser des ressources propres au contexte/produites localement pour démultiplier les effets

En 2015, le ministère de l’Agriculture, de l’Irrigation et de la Mise en valeur des ressources en eau, en collaboration avec la FAO et grâce au financement du gouvernement flamand, a publié un manuel de nutrition pour l’école pratique d’agriculture (ministère de l’Agriculture, de l’Irrigation et de la Mise en valeur des ressources en eau, 2015). Cette ressource a été révisée pendant la période de mise en œuvre du programme, mais elle n’a pas été transmise aux « maîtres formateurs » et au personnel de Self Help Africa. Elle aurait pourtant été d’une aide précieuse pour les « maîtres formateurs » et les animateurs issus de la communauté et aurait pu être traduite dans la langue principale du Malawi (le chichewa). Il s’agit là d’un exemple de cas dans lequel une ressource est élaborée, mais reste inutilisée pour diverses raisons, y compris une certaine ignorance quant à son existence, la nécessité perçue de produire des supports adaptés aux programmes individuels, et son indisponibilité dans les dialectes locaux.

Les supports de base de formation, tels que les calendriers de disponibilité saisonnière des aliments, l’arbre à problèmes de la malnutrition et la classification des groupes alimentaires du Malawi, ont été traduits dans les dialectes locaux et mis à la disposition des membres des écoles pratiques d’agriculture. Il s’agissait d’une condition indispensable pour le partage efficace d’informations de base en matière de nutrition, qui a permis aux participants de se référer aux supports en cas de besoin. Des démonstrations culinaires ont également constitué de bons moyens de retenir les connaissances transmises, grâce à un apprentissage pratique, reposant sur un engagement participatif de la communauté.

S’adapter au contexte permet d’optimiser les résultats

En vertu de l’approche de l’école pratique d’agriculture, les agriculteurs décident sur quelles cultures axer leurs essais. Toutefois, dans le cadre du programme de l’école pratique d’agriculture au Malawi, la majorité des agriculteurs ont choisi le maïs (le principal aliment de base). Pour veiller à ce que les agriculteurs prennent en considération d’autres cultures et obtiennent en conséquence une récolte plus diversifiée, il a été décidé qu’ils devraient mettre à l’essai des cultures moins communes dans le cadre de l’école pratique d’agriculture. Le programme a été suffisamment adapté à cette fin, et des essais ont été menés sur des cultures telles que le sorgho, le manioc et le niébé. Plusieurs variétés résistantes à la sécheresse ont également été mises à l’essai dans le cadre de cette intervention.

La chenille légionnaire d’automne, une espèce invasive qui couvre une vaste zone géographique et qui a une propension à détruire les cultures, est devenue un nuisible majeur au cours de ce programme. Pour y faire face, des essais ont été menés dans différentes régions du Malawi, à l’aide de quatre techniques différentes : pesticides synthétiques, ramassage manuel et deux types de pesticides botaniques, constitués de soupe de poisson et de piment et de granulés de tabac écrasés et associés à du détergent dans un pulvérisateur. Cette dernière technique s’est avérée la plus efficace du point de vue de la disponibilité de ses composants, de son prix abordable et de ses résultats. Cela montre à quel point les écoles pratiques d’agriculture peuvent être flexibles pour s’adapter aux changements en fonction du contexte local.

Intégrer une analyse de marché plus robuste

À l’avenir, il conviendrait d’intégrer un élément de marché plus robuste au lancement d’un programme d’école pratique d’agriculture. Idéalement, des études de marché devraient être conduites pour comprendre la situation de départ, et un plan devrait être élaboré pour renforcer les divers éléments constitutifs de la chaîne de valeur, afin qu’une production accrue permette un meilleur accès au marché, une augmentation des revenus, et, en fin de compte, l’amélioration de la consommation des ménages.

Members of Chimankhuku Women's Poultry Club, selling chickens at their local market. Malawi

Dynamiques de genre

Le genre constituait une question transversale dans le cadre du programme BETTER des écoles pratiques d’agriculture. Un nombre beaucoup plus élevé de prises communes de décisions a été rapporté dans les ménages de membres d’écoles pratiques d’agriculture par rapport aux ménages non membres, et ce, dans deux des trois districts étudiés : Thyolo (62 % et 38 %, respectivement) et Salima (57 % et 43 %, respectivement). Dans le troisième district (Karonga), aucune différence n’a été décelée.

En effet, dans ce district, selon un principe culturel particulier, ce sont les hommes/les maris qui doivent prendre des décisions. Il en découle que des efforts plus centrés et plus spécifiques au contexte s’imposent pour améliorer les dynamiques de genre lorsque les normes en la matière sont plus fortement ancrées. Autonomiser les femmes par dans l’agriculture est une voie importante par laquelle les résultats en matière de nutrition pourront être améliorés.

Conclusion

Dans l’ensemble, le renforcement de la composante relative à la nutrition dans les écoles pratiques d’agriculture (y compris pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène) semble très prometteur en vue de l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle à l’échelle des communautés, notamment dans les communautés agricoles rurales, dans lesquelles la malnutrition chronique reste problématique. L’augmentation de la production de cultures plus diverses et l’amélioration des techniques de récoltes et des pratiques post-récolte, notamment le stockage, ainsi que de meilleures associations et utilisations des aliments, sont positives pour tout le monde. Il importe de continuer d’intégrer les composantes de nutrition dans les interventions liées à l’agriculture, afin d’aider les communautés rurales vivant dans la pauvreté à mieux comprendre la manière dont les changements dans la production agricole peuvent faciliter l’accès à des régimes alimentaires variés et générer des revenus grâce aux excédents de ressources/récoltes. Veiller à ce que la nutrition soit mieux intégrée en tant que composante essentielle de l’approche des écoles pratiques d’agriculture constitue une priorité.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter Mary Corbett à l’adresse suivante : mary.corbett@selfhelpafrica.net.

Références

Baloyi V, Mzunzu K, Ulemu C, et al (2022) Operational Research on Integrating Nutrition in Farmer Field Schools. Self Help Africa. https://selfhelpafrica.org/ie/wp-content/uploads/sites/4/2022/06/FINAL-Operational-Research-Integrating-Nutrition-in-FFS-web-short-version.pdf

FAO (2023) Global Farmer Field School Platform. www.fao.org/farmer-field-schools/ffs-overview/nutrition/en/

Ministry of Agriculture, Irrigation and Water Development (2015) Nutrition Handbook for Farmer Field Schools. https://www.fao.org/farmer-field-schools/ffs-overview/nutrition/en/

Ministry of Health (2007) National Nutrition Guidelines for Malawi. https://cepa.rmportal.net/Library/government-publications/National%20Nutrition%20Guidelines%20for%20Malawi.pdf

Nafula-Kuria, E (2014) Integrating nutrition in Farmer Field Schools - Lessons learned in Eastern Africa. https://agrilinks.org/sites/default/files/resource/files/MEAS%20EVAL%20Full%20Report-%20Integrating%20Nutrition%20in%20FFS%20in%20Eastern%20Africa%20-%20Nov%20%202014.pdf

Pandey VL, Mahendra Dev S & Jayachandran U (2016) Impact of agricultural interventions on the nutritional status in South Asia: A review. Food Policy, 62, 28-40.

Ruel MT, Quisumbing AR & Balagamwala M (2018) Nutrition-sensitive agriculture: What have we learned so far? Global Food Security, 17, 128-153.

Shrestha A, Six J, Dahal D, et al (2020). Association of nutrition, water, sanitation and hygiene practices with children’s nutritional status, intestinal parasitic infections and diarrhoea in rural Nepal: A cross-sectional study. BMC Public Health 20, 1241.


1 L’agriculture adaptée aux changements climatiques vise à accroître la productivité agricole, à améliorer l’adaptation et la résilience face aux changements climatiques et à atténuer les effets de ces derniers en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

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