Une alimentation abordable et nutritive pour les enfants au Nigéria : utilisation du modèle du coût de l’alimentation (Cost of the Diet)
Md Masud Rana est conseiller en nutrition à Save the Children au Royaume-Uni.
Gideon Luper Abako est coordinateur pour l’innovation en nutrition à Save the Children au Nigéria.
Boluwatito Samuel est spécialiste en nutrition à Save the Children au Nigéria.
Alabi Oluyomi est manager pour la recherche et l’évaluation à Save the Children au Nigéria.
Messages clés :
- Le présent article porte sur une évaluation du coût de l’alimentation (Cost of the Diet, CotD) menée au Nigéria en 2022. Celle-ci a servi à déterminer la manière de satisfaire l’ensemble des besoins nutritionnels des enfants âgés de 6 à 23 mois au moindre coût possible tout au long de l’année, au moyen d’aliments disponibles localement et conformes aux normes culturelles.
- Les marchés étudiés proposent une variété d’aliments permettant de répondre à tous les principaux besoins en macronutriments et en micronutriments, ce qui laisse à penser que le principal obstacle à une alimentation saine dans ce contexte n’est pas le manque d’aliments riches en nutriments.
- L’évaluation du coût de l’alimentation montre que le régime alimentaire le moins cher qui satisfait les besoins en énergie, en protéines, en lipides et en micronutriments est d’un coût élevé comparé au niveau de revenu moyen de la population cible.
Contexte
En 2019, le Gouvernement du Nigéria et la Banque mondiale ont estimé que la forte prévalence de la sous-nutrition dans l’État d’Oyo, au sud-est du pays, en faisait l’un des douze Ãtats nigérians les plus touchés. Parmi les enfants de moins de 5 ans, environ 35 % souffrent d’un retard de croissance et 65 % souffrent d’anémie. Six enfants sur dix ne bénéficient pas d’une alimentation diversifiée et près de neuf enfants sur dix ne consomment pas suffisamment de repas par jour pour leur âge. Seulement 5,8 % des enfants atteignent l’apport alimentaire minimum acceptable (Commission nationale de la population, 2019).
Le projet d’accélération des résultats en matière de nutrition au Nigéria (de l’anglais Accelerating Nutrition Results in Nigeria, ou ANRiN) est une initiative disposant d’un budget de 202 millions de livres sterling lancée par le Gouvernement fédéral du Nigéria pour lutter contre la malnutrition dans les 12 Ãtats les plus touchés du pays. Elle est financée par l’Association internationale de développement du Groupe de la Banque mondiale et le Mécanisme de financement mondial (Global Financing Facility, GFF). L’objectif du projet est d’améliorer l’alimentation des mères et des enfants en élargissant l’accès à l’ensemble de services essentiels en matière de nutrition du Nigéria et en renforçant l’utilisation de ces services. L’ensemble de services est conçu de manière à encourager l’adoption de bonnes pratiques d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant au moyen d’activités de communication pour le changement social et comportemental. Cependant, les données probantes indiquent que certaines contraintes économiques peuvent limiter l’efficacité et la pérennité de telles activités lorsqu’il est impossible d’accéder à des aliments nutritifs ou que leur coût est prohibitif (Deptford et al., 2017). De plus, les pratiques d’alimentation complémentaire actuellement conseillées pour la diversification alimentaire sont souvent inadaptées au contexte et fondées sur des groupes d’aliments, plutôt que sur la teneur réelle en nutriments, le coût et la disponibilité des aliments au niveau local, ainsi que les préférences alimentaires.
Objectifs de l’étude
L’étude du coût de l’alimentation dans l’État d’Oyo a été menée en 2022 pour déterminer la manière de satisfaire les besoins nutritionnels des enfants âgés de 6 à 23 mois au moindre coût possible tout au long de l’année, au moyen d’aliments disponibles localement et culturellement acceptables. L’objectif était ensuite de promouvoir des recettes en mobilisant les groupes de soutien aux mères déjà établis et l’ensemble de services essentiels en matière de nutrition du Nigéria.
L’étude devait également servir à évaluer la mesure dans laquelle des contraintes économiques peuvent entraver l’accès des ménages pauvres et très pauvres à une alimentation qui répond à leurs besoins en matière de nutrition. Ainsi, il était prévu de répondre aux questions de recherche suivantes :
- Quel est le coût minimum d’un régime alimentaire répondant aux besoins nutritionnels et culturellement acceptable pour un ménage type dans les zones d’administration locale d’Ogo Oluwa et d’Afijio de l’État d’Oyo ?
- Quels aliments disponibles localement constituent des sources peu onéreuses de nutriments essentiels dont la consommation peut être encouragée dans le cadre d’interventions menées au titre de programmes ?
Méthodes
L’analyse du coût de l’alimentation consiste à estimer le montant minimum qu’un ménage type doit dépenser pour obtenir les apports recommandés en énergie, en protéines, en lipides et en micronutriments au moyen d’aliments disponibles localement. Le logiciel utilisé pour l’analyse comporte cinq bases de données relatives à la teneur en énergie et en nutriments des aliments, aux besoins énergétiques et nutritionnels des individus, aux groupes de membres prédéfinis d’un ménage type, à la taille des portions par aliment et aux facteurs de conversion des devises (Deptford et al., 2017).
Des données primaires sur les prix des aliments, la variation saisonnière des prix, la disponibilité par saison et les habitudes alimentaires ont été saisies dans un résolveur d’équations linéaires intégré au programme. Le logiciel, combiné aux bases de données internes, permet d’estimer le coût, la quantité et la combinaison d’aliments locaux nécessaires pour que les personnes et les ménages ciblés puissent satisfaire leurs besoins énergétiques moyens et bénéficient des apports recommandés en protéines, en lipides et en micronutriments. Dans le cadre de la présente évaluation, l’équipe de recherche a calculé la taille moyenne des ménages (n = 5) à partir des données de suivi du projet ANRiN.
Les données primaires utilisées pour évaluer le coût d’une alimentation saine dans l’État d’Oyo proviennent notamment d’études de marché, d’entretiens individuels et de discussions de groupe organisées avec les communautés et les villages avoisinants. Elles ont été collectées au cours des mois de janvier et de février 2022 dans les zones d’administration locale d’Ogo Oluwa et d’Afijio, où l’organisation Save the Children prévoyait déjà de mettre en œuvre le projet novateur ANRiN. Parmi une liste exhaustive de villages, l’équipe de recherche a choisi de collecter des données primaires dans dix marchés et dix villages au total (représentant des communautés agricoles), auxquels elle a ajouté un marché et un village pour conduire des essais de mise en pratique sur le terrain. L’ensemble des dix villages sélectionnés se trouvent dans les zones couvertes par les marchés étudiés1.
Ãtude de marché : L’objectif principal de l’étude de marché était de déterminer le prix et le poids des aliments disponibles dans les zones d’étude au fil des saisons. Le prix des aliments au cours de la saison actuelle (à savoir la saison sèche, qui s’étend de novembre à mars) a fait l’objet d’une collecte de données en temps réel, tandis que le prix des aliments au cours des deux autres saisons (à savoir la saison des pluies, d’août à octobre, et la période de soudure, d’avril à juillet) a été évalué rétrospectivement. Dans la mesure du possible, l’équipe de recherche a collecté des données sur le prix et le poids des aliments proposés par quatre négociants sur chaque marché.
Entretiens individuels : L’équipe de recherche a distribué un questionnaire pour évaluer la fréquence hebdomadaire de consommation de tous les aliments disponibles ou de saison inclus dans l’étude de marché. Dans chacun des villages sélectionnés, elle a également demandé à huit femmes (mères d’enfants de moins de 2 ans et principalement chargées de la préparation des aliments au sein de leur ménage) de participer à des entretiens individuels en plus de répondre au questionnaire. Au total, l’équipe a mené 80 entretiens individuels dans 10 villages.
Discussions de groupe : L’équipe de recherche s’est appuyée sur un questionnaire semi-directif pour mener des discussions de groupe avec les femmes qui avaient déjà pris part aux entretiens individuels. L’objectif était de collecter des informations sur les habitudes de consommation, les pratiques culturelles et les tabous alimentaires prédominants parmi la population des zones étudiées. Les discussions ont permis de valider les réponses obtenues en entretiens, et compilées, au sujet des préférences, des croyances et des tabous liés à l’alimentation, des différences internes aux ménages en matière de répartition de la nourriture et d’accès aux marchés, ainsi que des aliments disponibles gratuitement dans la nature ou produits par les ménages eux-mêmes.
Définition de régimes alimentaires hypothétiques et estimation de leur coût
Au moyen des données susmentionnées et du logiciel, l’équipe de recherche a estimé le coût des quatre régimes alimentaires hypothétiques suivants pour un ménage type composé de cinq personnes (un homme, une mère allaitante et trois enfants, dont un âgé de 12 à 23 mois) :
- Le régime le moins cher qui permettrait uniquement de satisfaire les apports énergétiques moyens recommandés (ci-après « régime ne satisfaisant que les besoins en énergie ») ;
- Le régime le moins coûteux qui fournirait les apports recommandés en énergie, en protéines, en lipides et en micronutriments, mais non conforme aux habitudes alimentaires prédominantes (ci-après « régime nutritif de coût minimum ») ;
- Un régime nutritif défini selon les contraintes existantes au moment de l’analyse de manière à inclure les aliments de base et à exclure les aliments tabous (ci-après « régime nutritif défini selon les aliments de base ») ;
- Le régime le moins cher qui fournirait les apports recommandés en énergie, en protéines, en lipides et en micronutriments, également conforme aux habitudes alimentaires et aux normes culturelles prédominantes (ci-après « régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires »).
Estimation du caractère abordable des régimes alimentaires
Bien que le fait de déterminer le coût minimum d’un régime nutritif soit utile en soi, comparer ce coût au pouvoir d’achat de la population cible permet de réaliser une analyse plus approfondie. L’équipe de recherche a évalué le caractère abordable des régimes alimentaires hypothétiques au moyen de données sur le revenu et les dépenses tirées d’une étude économique récemment effectuée dans une zone d’administration locale proche de l’État d’Oyo (Okeleke et al., 2020). Les données sur les dépenses non alimentaires ont été reprises telles quelles. En saisissant le revenu et les dépenses non alimentaires de chaque quintile de richesse (ménages pauvres et aisés) dans le logiciel du coût de l’alimentation, l’équipe de recherche a pu déterminer le caractère abordable de chaque régime alimentaire.
Limites du logiciel et de la méthode du coût de l’alimentation
Malgré la puissance et les applications pratiques du logiciel et de la méthode d’évaluation du coût de l’alimentation, il est important de prendre en compte les limites de ce processus d’analyse et des résultats qu’il permet d’obtenir.
- Le régime défini par le logiciel est un régime hypothétique de coût minimum qui est uniquement applicable aux ménages de la taille (n = 5) et de la composition utilisées pour les calculs. Les analyses qui étendent la validité des résultats de ce processus à d’autres groupes ou individus sont donc à interpréter avec prudence.
- D’autant plus de précautions sont à prendre qu’il n’est pas tenu compte des besoins supplémentaires en énergie, en protéines et en nutriments des personnes malades ou convalescentes en raison d’un manque de données.
- Le logiciel peut définir un « régime alimentaire » dans le cadre duquel un ensemble relativement limité d’aliments fournit les apports recommandés en macronutriments et en micronutriments. Cependant, il est supposé que chaque membre du ménage suive le régime défini quotidiennement et à chaque repas, ce qui est probablement irréaliste.
- En outre, le programme ne rend pas compte de certains besoins nutritionnels, notamment en vitamine D, en iode, en acides aminés essentiels et en acides gras. Il est toutefois justifié d’exclure ces nutriments du fait que l’exposition de la peau au soleil peut satisfaire les besoins en vitamine D, que la teneur en iode des aliments dépend de la qualité du sol et que la plupart des tables de composition des aliments ne contiennent pas d’informations sur les acides aminés essentiels et les acides gras.
- La répartition de la nourriture au sein des ménages est un autre élément important à prendre en compte pour interpréter les résultats de l’évaluation. Si le logiciel détermine la quantité d’aliments nécessaire en additionnant les apports nutritionnels recommandés pour chacun des membres d’un ménage, ces derniers se répartissent souvent les aliments selon leurs besoins, et pas toujours de façon équitable (Berti, 2012 ; Harris-Fry et al., 2017).
Principales conclusions
Disponibilité des aliments et habitudes de consommation
L’étude de marché indique que 182 aliments sont disponibles dans la zone d’étude toutes saisons confondues. Parmi ces aliments, 33 sont des céréales ou des produits céréaliers, 15 sont des légumes-racines et tubercules, 18 sont des légumineuses, des fruits à coque ou des graines, 9 sont de la viande ou des abats, 17 sont des poissons ou des produits de la pêche, 24 sont des légumes, et 25 sont des fruits ou des produits résultant de la production fruitière.
Les entretiens individuels et les discussions de groupe menés dans les dix villages confirment que les principaux aliments de base sont l’igname, le manioc et le maïs. Le riz et le blé sont disponibles à la vente et souvent utilisés par la population (majoritairement pour faire du pain), mais sont moins consommés que leurs substituts en raison d’un coût plus élevé. Si la plupart des ménages consomment deux à trois repas par jour en moyenne pendant l’année, quelques ménages pauvres prennent seulement un ou deux repas au quotidien. Cependant, le nombre de repas consommés varie selon les saisons. Les ménages mangent en général trois fois par jour pendant la saison sèche, contre deux fois par jour pendant la saison des pluies et la période de soudure.
L’aliment le plus répandu pour les enfants de moins de 2 ans est le « pap », une bouillie à base de maïs mélangé à du sucre ainsi que du lait ou de l’eau. L’étude ne fait état d’aucun tabou particulier concernant l’alimentation de ce groupe d’âge. Les enfants de moins de 2 ans sont également nourris au sein, mais l’allaitement maternel exclusif est rarement pratiqué2. En plus du lait maternel, les enfants sont couramment nourris d’ewedu (une soupe de légumes-feuilles le plus souvent préparée avec des feuilles de jute), de haricots en purée, de nouilles et de farine de manioc. Il est rare qu’ils consomment du poisson, du lait ou des œufs, dont le coût est trop élevé.
D’après les résultats de l’étude, le régime alimentaire ne satisfaisant que les besoins en énergie d’un ménage type de cinq membres a un coût minimum de 226 388 nairas par an, soit 500 dollars US (Figure 1). Le coût annuel du régime alimentaire fournissant les apports recommandés en énergie et en micronutriments, mais non conforme aux habitudes alimentaires prédominantes (c’est-à-dire le régime nutritif de coût minimum) est de 406 820 nairas, soit 900 dollars US. Le régime nutritif défini selon les aliments de base et le régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires ont un coût annuel respectif de 826 110 nairas (1 830 dollars US) et de 1 096 073 nairas (2 430 dollars US). Au sein des ménages, le coût le plus élevé correspond aux besoins nutritionnels des femmes allaitantes (27 % des dépenses des ménages), puis des hommes (25 %), des enfants âgés de 11 à 12 ans (24 %), des enfants âgés de 9 à 10 ans (19 %) et des enfants âgés de 12 à 23 mois (5 %).
Le régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires comporte 43 aliments de 12 groupes vendus sur les marchés. L’igname (sous forme de tubercule ou de farine) est le principal aliment de base. Il représente 26 % des dépenses totales, répond à 16 % des besoins en énergie et fournit 28 % des apports en protéines recommandés, parmi d’autres micronutriments nécessaires. Globalement, les marchés de la zone considérée proposent une variété d’aliments suffisant à répondre à l’ensemble des principaux besoins en macronutriments et en micronutriments. Bien que l’analyse n’indique pas qu’un quelconque nutriment constitue un facteur limitant dans la zone étudiée, le calcium et le fer sont les nutriments les plus difficiles à obtenir (et donc les inducteurs de coût les plus importants), suivis de l’acide pantothénique (B5) et de la vitamine B12.
Figure 1 : Coût annuel des différents régimes alimentaires pour un ménage type de cinq membres
Abréviations : EO : régime ne satisfaisant que les besoins en énergie ; NUT : régime nutritif de coût minimum ; SNUT : régime nutritif défini selon les aliments de base ; FHAB : régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires.
Les résultats de l’analyse du caractère abordable des régimes alimentaires (Tableau 1) indiquent qu’il est possible que les ménages pauvres des communautés agricoles ne puissent pas couvrir le coût d’un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires en plus de leurs dépenses non alimentaires. Ces résultats suggèrent que les ménages pauvres n’ont que partiellement accès à un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires après avoir acquitté leurs dépenses non alimentaires. D’après l’analyse du caractère abordable des régimes, le revenu actuel des ménages pauvres leur permet uniquement de répondre à leurs besoins en énergie une fois leurs dépenses non alimentaires réglées. Les ménages pauvres manquent donc de 53 771 nairas (120 dollars US), de 475 500 nairas (1 055 dollars US) et de 745 463 nairas (1 650 dollars US) pour couvrir le coût respectif d’un régime nutritif de coût minimum, d’un régime nutritif défini selon les aliments de base et d’un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires. Ã l’inverse, les ménages plus aisés dont le revenu est égal ou supérieur au salaire minimum annuel du pays (1 651 200 nairas, soit 3 660 dollars US) peuvent couvrir à la fois le coût d’un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires et leurs dépenses non alimentaires, après quoi il devrait leur rester un excédent de 241 515 nairas, soit 535 dollars US.
Tableau 1 : Estimation de la possibilité pour chaque type de ménages (pauvres ou aisés) de couvrir le coût des différents régimes alimentaires en plus des dépenses non alimentaires
Formule | Ménages pauvres | Ménages aisés | |
Revenu annuel des ménages | 664 222 | 1 651 200 | |
Dépenses non alimentaires | 313 612 | 313 612 | |
Revenu : dépenses non alimentaires | (a) | 350 610 | 1 337 588 |
Coût d’un régime alimentaire ne satisfaisant que les besoins en énergie | (b) | 226 004 | 226 004 |
Somme restante ou manquante | (a) - (b) | 124 606 | 1 111 584 |
Coût d’un régime nutritif de coût minimum | (c) | 404 381 | 404 381 |
Somme restante ou manquante | (a) - (c) | - 53 771 | 933 207 |
Coût d’un régime nutritif défini selon les aliments de base | (d) | 826 110 | 826 110 |
Somme restante ou manquante | (a) - (d) | - 475 500 | 511 478 |
Coût d’un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires | (e) | 1 096 073 | 1 096 073 |
Somme restante ou manquante | (a) - (e) | - 745 463 | 241 515 |
* Tous les montants indiqués dans le tableau ci-dessus (revenu, dépenses, coût des régimes alimentaires, somme restante ou manquante) sont en nairas nigérians.
Modélisation conditionnelle des régimes nutritifs
Au moyen du logiciel, l’équipe de recherche a modélisé les trois scénarios suivants afin d’évaluer quels en seraient les effets sur le coût, la composition, la qualité et le caractère abordable du régime alimentaire des ménages pauvres :
- Intégrer des feuilles de moringa à un repas sur trois par jour pendant la saison sèche, en tant qu’aliment gratuit (scénario 1) ;
- Encourager la consommation de patates douces une fois par semaine pendant chaque saison, en remplacement d’autres légumes-racines et tubercules couramment consommés (scénario 2) ;
- Combiner les deux propositions (scénario 3).
Ãtant donné qu’environ la moitié des mères interrogées déclarent en consommer, les feuilles de moringa sont largement accessibles dans les communautés. Cependant, leur consommation reste occasionnelle. Les feuilles de moringa peuvent donc servir de source de nutriments plus régulièrement disponible et abordable. Consommer davantage de feuilles de moringa (scénario 1) permettrait à un ménage entier d’accéder à un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires pour un coût total annuel de 880 801 nairas (1 950 dollars US) au lieu de 1 096 073 nairas (2 430 dollars US), ce qui représente une réduction de 20 %. Ã l’échelle des membres du ménage, le coût d’un régime nutritif diminuerait de 17 % pour les mères allaitantes et de jusqu’à 36 % pour les enfants de moins de 2 ans (Figure 2).
De même, remplacer une partie de la farine d’igname et du manioc râpé (ou gari) consommés par des patates douces (scénario 2) permettrait à chacun des membres d’un ménage pauvre d’accéder à un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires pour un coût total annuel de 845 328 nairas (1 870 dollars US) au lieu de 1 096 073 nairas (2 430 dollars US), ce qui représente une réduction de 23 %. Le coût d’un régime nutritif diminuerait de 23 % pour les mères allaitantes, mais ne changerait pas fondamentalement pour les enfants (figure 3).
Figure 2 : Effets sur le coût d’une alimentation saine d’une consommation accrue de feuilles de moringa (en tant qu’aliment gratuit) pendant la saison sèche
Figure 3 : Effets sur le coût d’une alimentation saine d’une consommation accrue de patates douces (à chair orange)
Si un ménage pauvre typique combinait les deux pratiques susmentionnées (scénario 3), chacun de ses membres pourrait accéder à un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires pour un coût annuel de 630 612 nairas (1 395 dollars US) au lieu de 1 096 073 nairas (2 430 dollars US), ce qui représente une réduction de 42 %. Ã l’échelle des membres du ménage, le coût d’un régime nutritif diminuerait de 40 % pour les mères allaitantes et de jusqu’à 36 % pour les enfants de moins de 2 ans.
Ãlaboration de recettes
L’étude du coût de l’alimentation démontre également qu’incorporer des aliments sous-consommés, mais peu onéreux ou gratuits réduirait drastiquement le coût d’un régime nutritif pour les populations locales. Les différents régimes alimentaires analysés par le programme mettent en évidence 12 aliments riches en nutriments, à la fois peu onéreux et sous-consommés : les patates douces, le maïs, le manioc, les feuilles et les graines de moringa (aliments gratuits), les épinards de Malabar, les agrumes, le millet, les fruits de l’espèce prunus africana, les noix de cajou, le son de blé, les noix de coco séchées et les feuilles d’amarante.
Afin d’améliorer les pratiques d’alimentation des enfants et d’encourager la consommation d’aliments complémentaires abordables dans les communautés agricoles marginalisées, l’équipe du projet ANRiN a élaboré un livret de 20 recettes utilisant les aliments abordables et riches en nutriments recensés par l’étude du coût de l’alimentation saine, en tenant compte de la disponibilité, du prix et de la teneur en nutriments de tous les aliments, en plus des préférences alimentaires et des habitudes de consommation. Toutes les recettes ont été élaborées avec la participation active de membres des communautés des zones d’administration locale d’Ogo Oluwa et d’Afijio.
Conclusion
Bien que le coût d’un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires soit 2,7 fois supérieur à celui d’un régime nutritif de coût minimum, la sélection d’aliments pour composer le premier reste parmi les moins chères disponibles à la vente. L’évaluation du coût d’une alimentation saine montre toutefois que le coût d’un régime nutritif conforme aux habitudes alimentaires demeure élevé compte tenu du niveau de revenu moyen de la population cible. Les ménages de la zone étudiée n’ont pas les moyens d’acheter à la fois des aliments nutritifs et des produits non alimentaires, ce pour quoi un ménage pauvre moyen devrait dépenser environ 120 % de son revenu.
Globalement, les marchés de la zone considérée proposent une variété d’aliments suffisant à répondre à l’ensemble des principaux besoins en macronutriments et en micronutriments. D’après ces résultats, l’équipe de recherche conclut que le manque d’aliments riches en nutriments n’est pas le plus grand obstacle à une alimentation saine pour la moyenne des ménages pauvres. L’étude du coût de l’alimentation semble justifier le fait que le projet ANRiN vise à améliorer l’état nutritionnel des enfants en comblant les écarts en matière d’accessibilité économique grâce à l’élaboration et à la promotion de recettes utilisant des aliments abordables et riches en nutriments. L’étude illustre la façon dont la méthode du coût de l’alimentation et le logiciel associé peuvent servir non seulement à comprendre la mesure dans laquelle certaines contraintes économiques peuvent réduire la capacité d’une personne ou d’un ménage à répondre aux besoins nutritionnels d’une mère ou d’un enfant, mais aussi à concevoir des outils (tels que le livret de recettes) susceptibles d’améliorer considérablement la nutrition de la mère et de l’enfant au cours des 1 000 premiers jours de la vie.
Références
Berti P (2012) Intrahousehold distribution of food: A review of the literature and discussion of the implications for food fortification programs. Food and Nutrition Bulletin, 33, 3, S141-251. https://journals.sagepub.com/doi/epdf/10.1177/15648265120333S204
Deptford A, Allieri T, Childs R et al (2017) Cost of the Diet: A method and software to calculate the lowest cost of meeting recommended intakes of energy and nutrients from local foods. BMC Nutrition, 3, 1. https://doi.org/10.1186/s40795-017-0136-4
Harris-Fry H, Shrestha N, Costello A et al (2017) Determinants of intra-household food allocation between adults in South Asia - A systematic review. International Journal for Equity in Health, 16, 1. https://doi.org/10.1186/s12939-017-0603-1
National Population Commission (2019) Nigeria Demographic and Health Survey 2018. https://www.dhsprogram.com/pubs/pdf/FR359/FR359.pdf
Okeleke S, Oluwalana T & Akinbosoye T (2020) Determinants of expenditure pattern of rural households in Akinyele Local Government Area, Oyo state. Direct Research Journal of Social Science and Educational Studies, 7, 7, 206-211.
1 Une carte des marchés et des villages étudiés est disponible à l’adresse suivante : https://www.google.com/maps/d/u/0/edit?mid=1uPLHFCoNSJHxm9nFxmj4I6VaTLciOuuM&ll=8.107971704197201%2C4.03234752382811&z=10.
2 L’étude ne traite pas particulièrement des enfants de moins de 6 mois, bien que les participants aux discussions de groupe aient souvent mentionné ce groupe d’âge lorsqu’il était question des pratiques d’alimentation des enfants. Aux fins de l’analyse, l’équipe de recherche a émis l’hypothèse que tous les enfants de moins de 6 mois étaient nourris exclusivement au sein.